LE CAPITAL DES MOTS n°2- Décembre 2007- Jean-Pierre Nedelec
Eurovélojournal 2006
Qui prend le dessus du vélo ou du bateau
Quand le vélo se pavane sur le pont supérieur
Si supérieur ?
Mais le bateau sait où il va
Le vélo prend-il le temps d’embrasser le paysage ?
( Meersburg )
Le vélo est fier : il ne regarde pas
Les filles en traversant les villages
Le cavalier s’en charge
Il hume l’iode des bretonnes
L’aigreur des françaises
Il sent bien qu’entre la suisse et l’allemande
Les parfums s’écartent mais il ne sait où
Il attend l’arbitrage des autrichiennes
( Ulm )
Toute cette pluie la boue
Et le soleil plus tard pour fixer
Combien de temps me laissera t-il
Dans ma crasse ?
Déjà qu’il omet de me faire les dents
( Dillingen )
Il prétend que c’est le nom qui l’a conduit jusqu’ici
Je sais qu’il est sehr müde
Il a mélangé mes pignons dans la côte qui suit Donauwörth
Se demande si je ne vais pas le laisser tomber
Pauvre homme ! un rien et il ne sait plus caresser
Un coco comme les autres !
( Marxheim )
Parfois j’aime les mots d’une autre langue
Ainsi l’allemand Kette me va mieux
Que chaîne fort douteux
Lui il a pensé je le sais : Quéquette !
Non mais ! suis pas la grand’mère de Christian Prigent !
Z’ont le bigorneau chantourné ces bretons !
( Ingolstadt )
Il a voulu quitter le chemin
Trop de graviers ?
Veut gagner du temps
Quel temps dites-moi ?
Sur la route plus d’arbres plus de taillis
Et le vent se venge
Alors il jure : Bordel !
Depuis quelques jours il alterne avec : Scheise !
C’est un délicat
Un cultivé…
( Regensburg )
Il se croit malin spirituel
Quand il m’appelle son cheval à pédales
Pour se supposer la noblesse du cavalier sans doute
Les jours de repos il m’ignore
Ni écurie ni foin mais je suis à l’attache
Il
craint qu’on m’ampute de la roue avant
( Regensburg )
Curieux tout de même comme il écrit à ses amis
Mine de rien il glisse l’intime
de nos kilomètres
1000 1500 2000
Il parle un peu du pays
Beaucoup de lui
Nul n’obtient de mes nouvelles
Sans doute sa conception du partenariat
( Worth am Donau
)
M’a enfin brossé les dents
Plus que du tartre de la vase
Et la Kette
Tiens ! j’ai envie de dire kékette
Moi aussi
On peut se marrer
On dirait que c’est à lui que ce brossage fait du bien
( Staubing )
Il est bien posé sur ma selle
A priori il ne bouge pas
« toujours en ligne » dit-il
N’empêche !
Un rien dans la fesse une imperceptible frétillance
Je l’ai remarqué à l’approche des frontières
( Passau )
(extraits)
JEAN-PIERRE NEDELEC
Jean Pierre Nedelec est l'auteur de Danielle Collobert et le Bretagne, éd. Blanc Silex 2002; et de Notes pour
Eros, éditions La Part commune 2006. Il a conçu et préfacé Lectures pour Jean Vilar, de Georges Perros, éd. Le Temps qu'il fait 1999. Publiant dans plusieurs revues, il collabore
régulièrement aux Cahiers Paul Léautaud .
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