LE CAPITAL DES MOTS n°2 -Décembre 2007- Emmanuel Berland
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Au grand matin
La parole n'est jamais donnée entièrement, il lui
faut des dunes comme des nœuds coulants,
une recrudescence de terres pour apparaître.
Ses mutations divines ne se conservent qu'au fond
d'un puits, un feu qui ne fait point de cendres,
où la rouille l'oublie.
Il lui faut un réveil sous les cailloux
où sont les temps où d'une pensée vagabonde
je faisais voler les pierres
une image de tempête fait fuir l'aurore
le sol craque au grand matin
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Avant et après le nihilisme
J'aime promener ma carcasse brûlée
extraordinaire et inutile en montagne
le chemin montre l'acceptation par le visage
à peau écrite par l'orage
comme une fleur pliée autour de l'invisible
la cible vagabonde
Pourquoi revenir
pourquoi dresser la carte des morts ?
c'est l'impression d'après
qui compte
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Alchimie sonore
Il convient de densifier sa légende et d'en faire un habit
pouvant parfaitement convenir aux substituts de soi-même, enfuis
La poésie veut le vide
pour parfaire un cercle transparent
j'éjecte des cailloux jusqu'à ce que la sphère creuse
reflète le ciel sonore
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Cage à ciel ouvert
La course nous entraîne dans ce qui ne se concevait pas
après maints découragements tous dus à l'excès de décors sur
une scène trop lourde
nous avons répudié nos monstres
rendu habitable un bosquet dans les airs
et le plaisir d'une telle vie neuve est supporté
La cathédrale
rebondit doucement de branche en branche
je passe à travers le printemps céleste et claustral
sans me souvenir sans m'attacher
et claque doucement la porte de ce monde
pour ne pas éveiller dans la ville la ronde
immobile des morts autour de l'astre fauve
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Une respiration sur l'arbre
Certains ancêtres ont envie de se réconcilier avec la terre
comme planète
ils ont largement porté la nuit et leurs épaules d'or
se mêlent aux racines des pommiers
pour ensorceler les guerriers
une respiration sur l'arbre
celle du roi de la mer
roi-bison-roi-poisson
roi des globes
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Le nid sorcier
Frères
dans la tempête que vous avez simulée
vous m'avez scruté d'un œil unique
empoigné les épaules jeté dans la trappe
et je suis quelque part libre d'être
ces foules précipitées dans l'eau des siècles
devenues moi-même
Tout s'effondre dans l'excellence
de plusieurs semaines
en années similaires
le mystère reste le même
serai-je humain quand mes vallées auront avancé au milieu
des tonnerres gigantesques, auront connu la guerre sur
des hennissements
que même les sorciers oublient
et que les étoiles tournent en dérision
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En allée
C'est étonnant
que la jeunesse habile et guillerette aux joues
creuses s'en soit allée
Tout perdu à jamais
pain, fromage, habits propres, toit pour la nuit
dans tes mains
une voiture rouge
dont on a arrêté les chaînes depuis longtemps
Les années ont passé, l'eau est revenue
plusieurs fois à la mer
qui s'est déployée sur les pierres miraculeuses
Par vagues
le sens lumineux et céleste
s'est étendu
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Deuxième dimanche après la fin du monde
J'ai tant brassé, je suis partout à la fois
dans l'ombre et sur l'arbre
Mal quelque part ? Courir ?
J'y vais
Un court instant plus loin une vierge paléolithique
me tient dans son vagin
une race non humaine dont
le sang n'est pas rouge
prête allégeance aux forces de construction
« Avant et après le nihilisme » extraits
EMMANUEL BERLAND
Emmanuel Berland est né le 9 août 1957 à Nogent-sur-Marne où il vit toujours. Enseignant et formateur, il anime le groupe
"Poètes ensemble" pour l'association HÉLICES qu'il a fondée en 1994. HELICES souhaite associer la poésie à d'autres démarches artistiques (musique, peinture,
calligraphie, théâtre...). HÉLICES édite des recueils, organise des expositions et des lectures publiques.
derniers recueils publiés
Entrée de Secours du paradis terrestre (Interventions à haute voix, 2001)
De l’hiver à l’aube (Editinter, 2003)
Nu et son fantôme (Hélices, 2006)
contact : helices.poesie@free.fr
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