LE CAPITAL DES MOTS n°4 - Février 2008- Ardita Jatru- Suzana Zisi- Merita Paparisto: nouvelles voix d'Albanie
Elle devint bonne sœur, quand
Son chien fidèle
La trahit pour une autre dame.
Et depuis, tous les jours, elle
nourrit les chiens errants.
***
Un jour, j'ai fermé toutes les portes
La solitude, je l'ai dessinée sur ma poitrine.
Mais, par mégarde, j'en ai oublié une,
Celle... où les amours entrent et sortent.
ARDITA JATRU
ARDITA JATRU est née en avril 1972, à Tirana.
Elle a publié en albanais deux recueils de poésies : Jetës i falem » (Je m’incline à la vie), 2004, et Alter-Ego (Alter ego), 2007.
Ses poésies sont insérées dans plusieurs anthologies poétiques. L’une d’entre celles-ci rassemble dix poètes grecs et dix poètes
albanais qui vivent en Grèce, et s’intitule « Cigognes des Balkans ». Ses poésies sont publiées régulièrement dans la presse albanaise et celle de diaspora. Elle a remporté le deuxième
prix au concours poétique "Cadmus", 2006, organisé par le Club des écrivains "Drita" (Lumière), en Grèce, et le troisième prix au concours littéraire, 2004, organisé par le même club. Elle vit à
Thessalonique, Grèce.
Blottie dans un coin,
comme une vieille
aux cheveux blancs,
je rumine l'attente.
Sous la carapace,
les vents de silence soufflent.
Le ciel dissout la solitude,
quand, des nuages, tombent des gouttes...
La fumée de ma cigarette,
choisit les routes de la douleur...
L’enfer de mon âme,
enfin, c'est moi-même.
***
Les saules versent du sel.
Tu ne le crois pas ?
La montagne, amère, très amère...
La coupe des asters,
la nuit
la remplit goutte à goutte
de fiel...
Les feuilles se décomposent, noircies.
Le rouge - litière des rancunes.
Le jaune - peint douloureusement le ciel lépreux.
Le sang,
Dans le théâtre absurde de l'indifférence,
Imite les larmes des yeux.
***
IL ETAIT UN TEMPS
Il était un temps,
notre séparation, je la voyais comme la mort.
Je me voyais sous les roues des voitures
Ou le flacon de poison sous la main.
Et je pleurais,
Je pleurais pour toi et pour moi.
Toi,
Pécheur repenti,
Courant comme un fantasme,
La douleur dans les yeux
Tu venais vers moi…
Moi,
Je me levais de ma tombe,
Et… en nous embrassant,
Nous pleurions et riions tous les deux…
***
J’AI ENVIE DE TE TUER…
Puisque tu n’es pas sur mon chemin,
J'ai envie de te tuer...
C’est cela que les Dieux me susurrent,
Pendant que je buvais, éperdue
dans mon orgie d’imagination,
le café de la folie…
Souvent j’ai envie de te tuer,
et après de te manger,
(certes, sans douleurs)
ton petit joli visage.
Sans les tissus de chair déchirés et propres de sang,
sur le grand lit de la faim.
Alors, qu’est-ce que t’en dis, comme début
(car il paraît qu’il n’y a pas de fin),
On commence par un baiser ?
SUZANA ZISI
SUZANA ZISI est née à Vlorë (Valona) en 1967. Elle est diplômée de Langue
et Littérature albanaise à l’Université d’Elbasan, en 1990. Entre 1990 et 2000, elle a publié dans des journaux littéraires de l’époque. Elle publie en 2004 le premier recueil poétique E bardha
nuk është pak (Le blanc, c’est trop peu), qui s’est très bien accueilli par la critique et le public. Ce recueil a été choisi entre les cinq meilleurs ouvrages poétiques par la Jury du Concours
National « Plume d’Or » 2005. En 2006, elle publie le deuxième recueil de poésies Imazhet kanë ftohtë (Les images ont froid), préfacé par le critique kosovar, Agim Vinca, un nom assez
connu déjà dans les milieux littéraires albanais.
Dans ses deux ouvrages, elle nous fait entrer dans une atmosphère poétique assez particulière. Elle se distingue d’une sensibilité
philosophique qui perce au jour à travers les métaphores et les symboles. Elle occupe dans la poésie de l’après-1990 une place assez importante comme une voix qui crie la vérité, une voix de
l’âme et du courage.
Elle est en cours de publication de trois autres titres : un roman, un recueil de poésie et un autre recueil de proses courtes. Elle vit
à Gjirokastra, Albanie.
EN RETARD
La fin approche,
Le temps est fini.
La soirée va commencer.
Si tu veux encore
que mon souffle
glisse dans ton oreille,
dépêche-toi…
prends le dernier train et viens
juste avant que la soirée commence...
Derrière les rideaux
viens me voir.
Mais si tu es en retard
alors tu n’a qu’à admirer
avec les autres spectateurs
(en salle ou en loge)
mon art de funambule.
JE L'AI TOUCHE...
J’ai touché le bonheur avec mes mains. Je l’ai vu sur mes paumes. Je l’ai serré, le poing fermé, pour qu’il ne parte pas. Et il a filé
entre mes doigts. C’était comme la lumière…
Je t’ai tant aimé, à tel point que je voulais partir sans toi.
Et toi, tu m’as aimé, mais pas autant pour me garder.
MERITA PAPARISTO
MERITA PAPARISTO est diplômée d’Economie (finance) à Tirana (Albanie). Ses
poésies ont été rassemblées dans deux recueils dont Kristal në mjegull (Cristal dans le brouillard), 2007, d’où sont extraites les deux poésies ici publiées. Traductrice de Joyce, Poe, Capote,
ses traductions ont été rassemblées dans "Tregime të zgjedhura nga autorë të huaj" (Nouvelles choisies d’auteurs américains), 2007. Un recueil de poésies et de proses courtes est en cours de
publication. Elle vit à Toronto, Canada.
Tous les textes ont été traduits de l’albanais par Urim Nerguti et les notices rédigées par ses soins.
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