LE CAPITAL DES MOTS n°7- Mai 2008- Denis Emorine
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J' arriverai de très bonne heure, les idées à fleur de peau.
Personne ne m' aura vu passer.
Il sera difficile d' ouvrir la maison avec cette clef rouillée.
J' essaierai à plusieurs reprises.
Les murs me souffleront la mort au passage mais
je n' entendrai pas.
Dans le jardin désert,
je m' étendrai de tout mon long,
sur le dos ou sur le ventre peu importe.
Je prononcerai leurs noms plusieurs fois.
Personne ne répondra.
Je comprendrai alors le message des murs.
Il me restera à prendre racine de tout mon être
pour mieux m' enfoncer dans le sol.
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LOURMARIN
A Blanche Balain
Le cimetière était désert à mon arrivée, et la porte entrouverte. Je préfère
cela: je n'aime pas partager mes émotions lorsque j'en contemple la source. Je ne savais où diriger mes pas. Les tombes défilaient devant mes yeux sans qu'aucune ne me retienne particulièrement.
J'étais un peu contrarié de ne pas trouver ce que je cherchais. Bien entendu, j'aurais pu obtenir des renseignements au village. Mais cette solution ne me convenait guère ; un rendez-vous se
mérite, il ne se quémande pas. Et puis je ne venais pas de si loin pour succomber au premier obstacle venu. J'ai relevé la tête. Là-bas, Lourmarin se découpait sur le ciel, se profilait sur les
montagnes du Lubéron.
Le soleil de novembre m'emplissait de bien-être. Plusieurs pensées s'agitaient
confusément dans ma tête.
Les vignes rousses posées sur l'herbe verte, les cyprès penchés doucement, tout
m'insufflait une quiétude souveraine. Le gravier crissait doucement sous mon pas et brusquement, je l'ai aperçue. Je l'ai reconnue sans l'avoir jamais vue. Bordée de pierre, habillée de romarin,
j'ai su que je l'avais trouvée. Je me suis approché... Le jaune des chrysanthèmes, le rouge des roses, les teintes délicates de quelques fleurs des champs se détachaient sur une vieille pierre
usée, de forme rectangulaire. Je distinguais très mal l'inscription à moitié effacée... cicatrice oubliée d'une blessure ancienne. Enfin, j'ai réussi à la déchiffrer. Plus aucun doute n'était
permis. J'ai lu ce nom: Albert Camus. Rien d'autre.
DENIS EMORINE
Nouvelliste, dramaturge, poète et essayiste, Denis Emorine est né en 1956 près de Paris. Il a été édité en
France, Belgique, Inde, Japon, Luxembourg, Roumanie et aux Etats-Unis. Son théâtre a été joué en France et en Russie. Il est passionné par L’Europe de l’Est.
En 2004, il a gagné le premier prix de poésie (français)au concours international Féile Filiochta.
On peut lui rendre visite sur le site suivant : http://denis.emorine.free.fr
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