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ART POÉTIQUE I
admets que tu peux produire des chants désespérés
admets qu’il est impossible de ne pas écrire sur
son propre os frontal : notre monde
du dedans est misère mais dehors n’est pas mieux
a raison celui qui a dit « l’homme nous est décevant
celui que nous portons en nous
ainsi bien que celui des autres »
non, la vie ne veut pas de certitudes
elle veut l’immensité de l’obscur
de la soif.
ART PoÉtique II
1
ose montrer ton sommet
ta séduction
dans le sang le souffle qui monte le chemin
seulement ta séduction vit
peut te donner un centre, un bourgeon de l’aplomb
dont tu as besoin pour être vrai entre les autres
pour être toi un autre
même si tu es une victoire vacillante
cesse de penser avec le moi
ose rompre le sens aux sens
dis seulement le senti
le vécu avec le vide
2
nous buvant de notre souffle
de notre soif et de la soif
du monde, dedans
3
seulement seul, seul, seul et avec les autres
regardant avec notre voix
touchant l’air avec nos os.
4
ce du dehors dedans, ce du loin tout près
à danser la danse décapode
à brûler nos vaisseaux
l’indicible doit
être dit
débridé décaèdre
oui
devant l’horreur
de l’horreur
de l’horreur.
POÉTIQUE DE VARIANTES
hommage à carlos germán belli
pour dire ma vérité du dedans j’écris
géometries frémissantes
sans le devoir de les intégrer dans l’idée
d’un ciel, mais je ne peux rien dire
de ça ni du temps, peut-être oui:
le temps vient, s’en va
parfois laisse
de poissons bleus
dans les scaphandres
aussi dans les crevasses, dans les marches
ainsi passe le temps, nous avons vu venir
même un autre siècle
imperturbable
en disant prendre le taureau par les cornes
moi je prétends le sens humain
de ce que j’écris pour qu’apparaisse
le ton blessé des questions premières :
pourquoi on nous ampute l’attrait
de vivre?
pourquoi on nous donne à manger
de la terreur ?
sont misère, lierres
enclumes et ancres somptueuses ?
dans l’étendue
indemne
je me suis dit : continue
et que le dénouement reste
inconnu
2
oui, nous voulons oser
éclats
pas de grappes de raisin
qu’il y a dans les marchés
il y a aussi l’oiseau rare
mais il chante mal
eau turquoise…
3
très léger voile couvre la réalité qu’il faut affranchir pour se dégager des baisers de l’osseuse pour se tirer d’affaire avec l’impéritie des origines quand on voyait loin et le regard était tel un cri de joie et bien sûr barbare : ce sont la force, la finesse et la frontière qu’on franchit
nous ne sommes indifférents à rien
il est question de faire tomber le rideau et nous montrer tels que nous sommes : oui nous sommes les fragiles avec beaucoup d’ombre d’homme
il n’y a pas d’autre issue : alliances audaces
avec son chaos
tu le sais
il est espace du dedans
il est temps du dedans
il est temps du dehors
pour être émerveillés
Extraits de « Poétique de variantes » inédit
CARLOS HENDERSON
Carlos Henderson est né à Lima en 1940. En 1965, il voyage au Chili et en Argentine. De 1969 à 1973, il vit à México. Il réside ensuite en France de 1973 à 1986. De 1986 à 1992, il retourne au Pérou et y enseigne à l’Universidad Nacional Mayor de San Marcos. Depuis 1993, il réside de nouveau en France où il a enseigné à l’Université de Picardie, à Amiens, de 1993 à 1997. Il a sélectionné et publié en 1991 son œuvre poétique dans El ojo de la piedra. Antología personal 1965-1991. En 2000, il publie à Lima Y sigo por tu aire, et, à Paris, L’éclat de ton corps, en édition bilingue, la révision de la traduction et le prologue sont de Bernard Noël. Henderson a fait la réécriture et la traduction de Y sigo por tu aire avec le titre Vers la phrase infinie, la révision de la traduction aussi est de Bernard Noël. Sa production poétique comme certaines notes sur peintres, et traductions en espagnol de poètes français il les publie dans des sites Internet. Par exemple en www.parisiana.com , www.ciberayllu.org , www.revista.agulha.nom.br , www.mouvances.ca
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