LE SOMMEIL TROMPEUR
Ce soir les ours en peluche
Parlent de me coucher très vite
Pour ne plus avoir conscience de rien
C’est un réflexe familial paraît-il
Qui me pousse à oublier
Tout ce que j’ai appris dans la journée
En coupant la tête de ma religion
Dans le sommeil
Afin de garder un esprit lucide
Jusqu’à son départ
Et leurs médicaments me droguent
Leur industrie de coton
Parie sur ma soif de douceur
Dans ce confort lunaire
Pourtant seuls les ours en peluche véritable
Demeurent mes amis
Moins volatiles
Que la gaieté d’un dimanche
Quelquefois je me demande
Qui dénoue toutes les angoisses
Du perdant du jour
Consolé par le silence qu’installe ce vide
Une fois passée la mort fatidique
Tout de même n’y a-t-il pas une nuit
Qui brille autrement ?
Un tournant qui retourne toutes les œuvres
Visibles et invisibles
Comme des crêpes nettes en apparence
Et brûlées à l’intérieur ?
Oui… on brûle une lumière
Pendant que je dors
C’est cette répétition de la mort
Qui me sert
De consolation la moins dure.
LE COUAC DE LA FIN
Ecartelé sur la falaise
Je sens les souvenirs qui m’accompagnent jusque dans le ciel
Mais le portable entre mes dents
Ne répond plus
Poursuivi par d’autres aventuriers
Qui ont juré d’en finir avec ma vie
Je n’ai plus qu’à frôler
L’entonnoir du vide
Qu’à loucher entre deux ports de mer
Avec beaucoup de ciel et peu de métal à tenir
Désormais il est trop tard pour changer de foi
Il n’y a plus d’autres images à ce film
Il serait bête de couper la dernière
Avant que je tombe
Je peux crier très fort dans mon portable
En espérant que ce cor le réanimera
D’une seule main
Avec un ventre flasque
Je commande encore à la vie
A l’au-delà
Vie et mort
N’est-ce pas la même chose
En cette seconde fatale ?
Je regarde encore ce portable muet
Bien dans les yeux
Ce gadget de mon souffle suspendu à son fil
Et sombre lentement
Les bras tendus
Ainsi glisserai-je dans l’inconscience
Comme entre les draps de la terre monumentale
Et l’appareil
Se démontera
Ou intact
Expliquera cette nouvelle mort
Enregistrant une voix qui n’est pas la mienne
Brûlant de l’éclat de quelques chiffres de reconnaissance.
PATRICE MALTAVERNE
Né en 1971 à Nevers, Patrice Maltaverne a publié des poèmes dans une vingtaine de revues, ainsi que les textes suivants. Derniers parus : « Sans mariage » (collection Polder de la revue « Décharge », 2007), « Merci pour la musique » (Gros textes, 2008) et « Souvenirs d’une ville illégitime » (Encres vives, 2008), « Faux partir », aux Editions « Le Manège du cochon seul ». Anime également le poézine Traction-brabant, http://www.traction-brabant.blogspot.com/, 29 numéros sortis à ce jour.