Tourne-toi vers un
centre — un quelconque, pourvu que ceint de figures simples, diverses comme : hémisphères, fragments de cubes, volumes octa-, dodéca-, icosa-
édriques,
tubulures sectionnées par l'âme, en deux fragments
inégaux : simples, toutes
concaves — tourne
vers
lui ce visage transparent, dont les yeux sont fissurés, comme si tu songeais.
Cette masse de bras ligneux, gainée de veines en relief
dont les extrémités sont des mains vides, chacune
plantée de cinq doigts, chacune
ouverte inutile :
étends-la comme
offrande,
projette-la au sein d'une obscurité qui appelle — avec des voix, des voix — appelle un
sacrifice.
Vers
quoi ?
Offre-la, dépose-la en dédicace.
A
quoi ?
« Toi, sois comme Lui,
sois
personne. »
(« L'incendie, l'
être-continuellement-incendié : deviens-
le. »)
****
Toi, embrase-
toi, afin que l'âme de la bien-aimée ne se perde pas — Le
combustible, dans le « toi » que tu étais, c'est l'âme —
afin que la combustion ne s'arrête pas, qu'elle détruise et détruise.
Brûle .
« Au prix du sacrifice, la réalité est vérifiée. » — par
qui ? Dans le cœur illuminé de
qui ?
Un autre te vérifie, un autre parmi ceux qui portaient les bouteilles d'alcool et les silex, cette
nuit.
« Afin que l'âme de la bien-aimée ne se perde pas. » —
afin qu'elle soit perdue,
ensevelie dans l'autre
inexistant.
Un autre te vérifie, un autre te
crucifie et « l'âme de la bien-aimée », c'est
la face intérieure des clous qu'il enfonçait dans tes veines, et
« l'amour pour la bien-aimée » c'est
les soupirs qu'il exhalait à chaque coup de maillet. « Le Christ, c'est Lui, le sanctifié, le purifié c'est
Lui. »
Embrase, consume
le
bois odorant puisque
le sang versé, mêlé à la résine, brûle mieux que l'âme.
L'existence seule
est sainte, l'existence seule-
ment est
sainte.
****
Nous, change « ce que nous sommes » en sang. Fais de nous
matière à
jaillir, matière à
inonder, pénétrer.
Du sable trempé adviennent
(Je m'en tiens au plus vraisemblable.) non
mille fleurs dont
les mille corolles blanches
flotteraient dans la
nuit, non
le souvenir de mille fleurs, non
la purification de l'âme par effacement de toute
image, non
le parachèvement de l'âme par l'oubli mais,
plutôt,
rien.
« Viens en nous, creuse nous. Sois
comme nous devenons, comme nous sommes devenus, sois
personne. »
Ô
Pourquoi.
Pourquoi.
****
Un fragment tombe, je
n'étais pas de cœur à en faire état. Toi non plus
donc
c'est bien.
D'où
le sol monte et
emboîte son relief dans les empreintes de nos pieds, les
soutient, lourd de limon et de fruits en pourriture et d'autres en poussière, et d'autres dans l'état de maturité parfaite, simples, creux-et-pleins, noires
semences
indemnes.
« Lourd de miracles, de miracles que, à défaut de les comprendre, nous
contemplons. »
Extraits de "Coupures" Inédit
ARNAUD TALHOUARN
Arnaud TALHOUARN, enseignant et écrivain, a publié des poèmes, des narrations et un texte de critique littéraire dans diverses revues, parmi
lesquelles :
« L'Atelier du Roman » n°60 et n°63 ;
« Pyro » n°20 ;
« Revue Alsacienne de Littérature » n°105 ;
« Traction Brabant » n°44 .