Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - CARLES DIAZ

Publié par ERIC DUBOIS sur 22 Février 2014, 20:43pm

Catégories : #poèmes

 

GÉOMETRIE VARIABLE

 

Un aéroplane tousse sur le ciel de la Gironde

une virgule, trois points, un arrière plan

qu'elle est généreuse l'atmosphère

aux yeux d'un rameau face à une cascade

pulvérisée

comme le cri de la Pleureuse dans la nuit

les hirondelles

patrouillent les promesses avec leurs sifflements.

 

Qu'aurais-je vu ?

 

Déplacer les pierres tombales, la vie photocopiée

de ceux qui jettent du sel sacré pour se tromper

combien de fois faut-il plonger

visiter chaque matin sa tombe

pour comprendre les effets de surface ?

- Prends ton temps, intrépide chasseresse

pose un genou sur les cailloux :

notre prénom annonce, nous représente -

 

J'ai trouvé l'image sur laquelle dormir :

à la pointe de la jetée

sur le turquoise cru

un homme-poisson aux mâchoires prognathes

m'enseignant à être vigneron

tombé puis endormi en moi

ma langue brûlée, répandue sur le sable :

il corrobore l'étendue de ma cartographie

comme le soulèvement de la mer en furie

trop énorme

pour l’œil des hommes.

 

Pourquoi ne le croirais-je pas ici

lorsque je le vois ailleurs, conquérant

l'injonction ancestrale du progrès du soleil

dans elliptique ?

 

Le temps qu'à duré cette image, j'ai aimé.

 

Les rapides dans la nuit ont cessé leur train

où sommes-nous quand nous sommes en France ?

 

Perchiste de sable

dans l'Antarctique secrète

crois-tu que je ne suis pas une Idole ?

Essaye-toi, touche-moi

et condamné à une chute libre

tu brûleras

déchiré de tout autre

suspendu aux griffes du fil de fer barbelé :

l'univers pénétrera en toi par la bouche

alors que tes pupilles-océans s'ancreront en moi :

nous chanterons ce clairon du non-lieu

du double

du ciel prisonnier des nuages

ta face coupante comme un rasoir.

 

Frère, dormeur, chapelet de brûlures

pierre et sel insulaire

je te nomme par ton nom !

 

Lève tes yeux craquelés, tes lèvres serrées

docile Enfant

je t'embrasse sur le front

à tes pieds suspendus

les guêpes de landes

halètent comme les variations des crocodiles

fragments de miroir qui me renvoient

à la ferveur des genoux devant la statue

de Jacob, d’Énée, de Mauriac

je ne suis qu'une trompette

bouchée, dressée à deux pattes

un dossier hérissé de trombones

aux pliures écornées

je ne suis qu'une mémoire séraphique

Senhora amabilissima

Princesse de bronze désaffectée

faites que l'angelot emporte l'Un à l'Autre !

 

Tu peux t'en aller maintenant

mais saches que les tigres viennent de nuit, qu'il est

six heures ici, que je suis né d'un galet lancé à l'eau.

 

Les mots sont faits pour être mâchés

les fresques de Pompéi sont figées dans une éternité

de scaphandre, visible mais inexistante

sur les bords de Garonne j'enfile le gilet

aux milles rames : la couleur est une fiction de lumière

au bout du phare, une huître ouverte - le théâtre de Syracuse -

une épée tranche le corps de la naïade

sa jupe fendue jusqu'aux fontanelles

bascule dans la chute

d'un astre d'ardoise.

Elle craque.

 

J'imaginais des lyres anciennes

la foi païenne

en fredonnant

la première polyphonie

américaine :

Pérou,1631

 

***

 

RÉSONANCE

 

 

Il m'appartenait encore

jusqu'à ma bouche cousue

ce poisson

comme un obstacle à la propagande

de l'abysse.

 

La marée basse

en instrument soliste

quel dialogue peut-elle engager

pour silencer

les ravines ?

 

Ton absence est ce rideau rouge

entre public et comédiens

douleur d'origine, tombant d'un seul

tenant

l'univers des sangliers broyés plonge

à chaque kilomètre sous le torrent.

 

À l'intérieur de ta voix navrée

la parole boutonne

invente l'Autre qui par mégarde

coule

sur la mémoire verticale.

 

Vous ne devinerez jamais le vent du Nord

s'il conduit à la plaie

ou à la tourbe

la tête est un voilier inversé

que le grésil cingle derrière

le souvenir

sur la terre plate

des cailloux percée, d'allumettes mordues

de bicyclettes inclinées

d'anciens épis blessés

par les verdiers.

 

Résister au bruissement

au croisement des passages

le pied est nomade

improbable.

 

 

CARLES DIAZ

 

 

Bio :

Carles Diaz (1978), écrivain Franco-chilien, docteur en histoire de l'art, vit et travaille à Bordeaux. Il a publié notamment aux Éditions Abordo « Les déferlantes nocturnes » (2010) et « Le fleuve à l'envers » (2013).

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A
Un auteur contemporain aux antipodes du ronron lyrique et de la sensiblerie facile. Bravo !
Répondre
A
Peu compréhensible cette poésie qui se joue des images et des mots mais n'arrive pas à emporter l'imaginaire
Répondre

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