1
J’ai aimé ta beauté
Les mots comme une torche brandie
Dans la nuit
Pour mieux exister
Du moins
Je le croyais
Car les mots tuent
Sois-en sûre
Ils m’ont tué il y a longtemps
Sur le parvis d’un poème déchiré
Où je déclarais parfois
Ma flamme
A un piano transi
J’ai aimé mourir dans tes bras
Même si je ne l’ai jamais révélé
A la lumière d’un jour
Parjure
2
Je déchiffre par-delà les jours
Les mots tuméfiés d’un instant.
Je détourne la tête à l’appel de mon nom
En pensant à tous les amis qui ont cessé d’exister.
Je suis orphelin de ceux
Dont j’ai toujours refusé d’inscrire la mort en moi
Sans jamais y parvenir
Nous sommes tous dépositaires d’un secret millénaire
Qui ne s’éteindra jamais
Jamais
3
J’ai décidé d’abandonner
Toute poursuite
Nul ne peut m’indiquer
La réponse
Sans cesse différée.
Bientôt
Je ne parviendrai plus
A éteindre le vent
A pleines mains
Ma vie aura été
Un gouffre de paroles
Dont le son ne te surprendra
Plus
Plus d’écho à ma propre voix
Sauf le monde irrigué
Par tes yeux
4
Crois-moi
Je saurai La détourner de toi
Je prendrai ta place
Il y a des siècles
Que je suis prêt.
J’ai failli oublier Son nom
Bien des fois
Même si Elle ne m’a jamais quitté
Depuis que je suis né.
Elle a supprimé tous ceux que j’aime
Je tremble en prononçant leurs noms.
Les mains en sang
J’ai effacé le tien
Rouge est ma haine mon amour
Depuis si longtemps je t’appartiens
De toute éternité
5
Je te porte en moi
Comme une offrande
Même si la mémoire
Des hommes est souvent pesante
Dans la besace du temps
Quelque part
On se penche encore sur moi
Il y a bien longtemps
Que mon destin n’intéresse plus
Aucun dieu
Je ne m’en soucie plus
J’ arrive trop tard
Pour lutter contre
Ce chemin qui est déjà tracé contre moi
Extraits de « De toute éternité » à paraître au « Nouvel Athanor » (juin 2012)
DENIS EMORINE
Denis Emorine est né en 1956 près de Paris.
Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue .Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues ; son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". Il dirige deux collections de poésie aux Editions du Cygne. En 2004, Emorine a reçu le premier prix de poésie (français) au Concours International Féile Filiochta. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 »
On peut lui rendre visite sur son site : http://denis.emorine.free.fr