Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS- FRANÇOISE BIGER

Publié par ERIC DUBOIS sur 16 Août 2011, 17:57pm

Catégories : #poèmes

NOYER LES POISSONS

( Extraits)

 

 

1

 


Aujourd’hui est un jour comme

Un autre

Il se rend à  la Meuse 

S’arranger avec ses habitudes

Il ressent alors

Une bouffée d’existence.

 

Aujourd’hui elle sonne clair 

Sent le mégot refroidi

Des soirées hydrophobes

 

Aujourd’hui il n’a pas

L’intention de laisser bec

Dans l’eau

Mourir le temps

 

Il se sent si aride

 

Aujourd’hui il palpite

Des promesses galactiques

Des liqueurs de vérité

Que distillera la Meuse

 

Aujourd’hui à  la Meuse  il est héron

Pied de grue

Les alcools glissent dans sa gorge

Comme un banc de poissons

 

Aujourd’hui comme un autre jour

Il alambique son existence

À descendre comme un fleuve

Au comptoir de  la Meuse 

 

 


2


Au pied des arbres

Parce que les arbres passent vite

Au mois d’août.

Qu’elle est verte !

Elle se meut à ma rencontre

Avec élégance.

Moi, la croisant du pas

Le regard au pied du rideau

D’arbres

Mon dieu qu’elle est verte !

Je tente l’approche

Muette

Je veux déchiffrer

Ses infimes frémissements

Caresser sa peau fluide

Y plonger ma main peut-être

Je l’aborde

Elle me fuit, me coule

Entre les doigts

Que verte elle est !

Que verte et froide !

Elle ne m’attendra pas.

 

 

 

 

 


3


Comme si la terre et moi

Nous nous rapprochions

Dans le mystère des forêts

Comme si les boucles

Du vent muet

Me tressaient une chevelure de silence

Comme si le camaïeu

Des nuages végétaux

Habillaient mon lit

De solitude

Comme si les canopées écumeuses

Me berçaient

Dans leur houle tranquille

Comme si j’entendais

Le chant tellurique

Des racines

Comme si je m’enivrais

De la respiration

Enchevêtrée des branches

Comme si je respirais le sable

De leur éternité

Comme si même je parlais

Leur propre langue

Leur langue sombre et rugueuse

Comme si le soleil

Tombé en miettes

Se laissait emporter

Sous mes semelles

Comme si le feuillage

Eclaboussait mon front

Mes joues, mon cou

De son froissement givré

Comme si le temps

Etait amas de feuilles chues de branches vides

Comme si le temps était bourgeons, sèves et sucs

Comme si je conversais avec

Des parfums polyphoniques

Comme si j’étais ailleurs pour oublier

Que pour l’heure

Je me trouve inséré

Dans ma voiture insérée

Dans le flot circulatoire

D’un axe routier péri urbain.

 


 






 

9

 


Tu es un bras

Long bras

Ne retiens rien enfin

Laisse filer on dit

Au fil

De l’eau

Y sonne la légèreté

C’est un peu cristallin le clapotis

Cela tinte enfin

Derrière le mat du choc

Une écharpe autour d’un bras

Une écharpe déliée même

C’est à peine si tu bouges

En déposant le long

C’est encore long, des berges

Quelques enfin plusieurs filaments

D’herbes et branches

Te suivre des yeux

Me lave me pousse

Ne m’attends pas

J’arrive.

 

 

 


 

 

10


Lui ou un autre

Elle surtout

Il la connaît bien

L’emprunte

Souvent y plonge

Son dés-enchantement

La plupart du temps

Y noie ses absences

Elle le laisse

Faire s’enivrer

Librement elle l’accompagne même

L’abandonne à son vice.

 

 

 

 

 

FRANÇOISE BIGER

 

 

 

 

 

 

Françoise Biger, née en 1960, vit aux alentours de Rennes. Des textes publiés dans les revues papier (Libelle, N4728, Comme en poésie, Traction Brabant, les Ecrits du Nord, le Manoir des Poètes, prochainement Verso), ainsi que dans deux revues numériques (celle que vous êtes en ce moment même en train de consulter et Incertain regard). Si textes publiés : textes écrits et si textes écrits : goût du verbe par tous les temps, toutes les modes, jusqu’à plus soif, mais toujours faim.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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