Il brûle au bout du soir des pétales de flamme
Que des barques de soie emportent sous le vent
Comme des coffres d’or arrachés au couvent
Où tremblent le Graal et sa belle oriflamme.
Des gestes d’écrivain ouvrant un calligramme
Perlent de leur saveur, sous le dais d’un auvent,
Le mur désargenté que les riches souvent
Prennent pour un château sous forme d’épigramme.
L’écriture est un art qui exige du mot
Le silence absolu dont un simple marmot
Colore la vertu d’un revers du sourire.
Pourtant page à page un magicien construit
L’horizon du savoir que le lecteur instruit
Entrevoit par hasard sans jamais se maudire.
***
Sous la cendre d’un cierge épuisé de souffrir
Brûle encore le sang d’une longue prière
Que la nuit d’un vitrail perçant la meurtrière
Verse sur un miroir dont l’eau feint de mourir.
Le cristal d’un saloir où le vent vient flétrir
Se fend de part en part sous le poids d’une aiguière
Que des ventres de vin lancent d’une verrière
Suspendue au silence en train de dépérir.
Puis des courtines d’or enclavant le mystère
D’une lune d’étain et d’un visage austère
Referment sous leur soie un reflet de fontaine.
Passe un dernier regard au travers de la pluie
Et quelques pénitents au pas couverts de suie
Entrent dans le parloir comme des bris de faîne.
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Des boucles de fumée échappant de l’albâtre
Encerclent le miroir d’un infini salin
Où glissent des vaisseaux sous des voiles de lin
Comme des feux follets fuyant les bords d’un âtre.
Quelques bouts de cristal à la pâleur douçâtre
Cliquettent dans la nuit dont le puissant déclin
Saigne sur les feuillets d’un livre sibyllin
Déchiré par la mer et son cœur idolâtre.
Des contes interdits par la race des rois
Enfouissent l’amour dans des trous de parois
Privant le monde entier d’une divine offrande.
Or quand l’obscurité vide l’encre du soir
Sur les roches en cire au bec d’un arrosoir,
La déesse apparaît pour cueillir la lavande.
***
Jaillissant de la nuit comme un pain de corail
Une étoile est venue affubler le silence
D’un parfum de sel noir dont la déliquescence
Embaume les greniers d’une flamme d’émail.
Des glycines en fleur aux portes d’un sérail
Jettent des confettis en pleine incandescence
Au-dessus de la mer brûlée en transparence
Par un rai de soleil pris dans l’or d’un vitrail.
La roseraie en sang étale son étole
En repoussant la vie au bout de sa parole
Pour blanchir le matin d’une poudre de chair.
L’astre enfin disparaît dans une boîte en cire
Filant du firmament aux remous d’un navire
Traversant l’océan sur le dos d’un éclair.
Extraits de "American jigsaw puzzle"
FRANCIS ETIENNE SICARD LUNDQUIST
Né en 1952, Francis Etienne Sicard Lundquist, se passionne, dès l’adolescence, pour la littérature, et en particulier pour Marivaux et Marcel Proust. Des études de lettres classiques le conduisent à Lyon, où il complète sa formation d’enseignant, qu’il exerce brièvement, avant que de ne rejoindre, en 1977, Berlin, où il choisit de résider pendant plusieurs années, pour écrire son premier texte en prose Le Voyage Bleu, qu’il ne publiera cependant qu’en 1986 aux Nouvelles Editions Debresse.
Après plusieurs séjours à Antibes et Nice, il quitte Berlin pour se mettre au service d’une famille aristocratique allemande, avec laquelle il voyage en Europe, en Asie et aux Etats Unis. Il en rapporte une importante correspondance, caractéristique de son goût pour le style épistolaire.
En 1983, il s’installe à Londres, d’où il publie trois recueils de poèmes, aux Editions Saint Germain des Prés, aux Nouvelles Editions Debresse et au Méridien Editeurs. Il rencontre des artistes, travaille à la refonte d’un monumental projet d’écriture, Nuage de bois sec, et, devenu proche d’un éminent exégète d’Oscar Wilde, il se consacre presque entièrement à l’étude de l’esthétisme.
En 1998, il rejoint le Languedoc, et publie quelques textes dans la presse, répondant à des appels à écriture, notamment ceux de France Musique. (Contes du jour et de la nuit de Véronique Sauger)
En 2011, il crée les blogs d’écriture uniquement consacré au sonnet de forme classique :
Lettres de soie rouge : http://lettresdesoie.over-blog.com/
En novembre 2011, il reçoit le premier prix du Concours Charles Trenet 2011 dans la catégorie Poésie Classique de Forme Régulière, et en 2012 le Premier Prix de Nouvelle des rencontres aéronautiques et spatiales de Gimont(publié dans un recueil collectif D’ailes et de Plumes Edilivre Coup de cœur) et d’autres récompenses comme celle de Haut le Verbe publié dans la revue Nepenthés N°6 de décembre 2012.