BIENHEUREUX LES MISERICORDIEUX
Au Monde, la relève était à prendre.
Désormais, foin des diadèmes paysans, des bouches de lait et
des douleurs adolescentes.
Il avait une tâche bien plus grande à accomplir.
Fallait-il que ce fut lui ?
Les orbites étaient creuses, l’Œil roulait par delà les mers.
Il portait un drapeau blanc à la cheville.
Sa peau fût souillée pour eux, son échine se brisa peu à peu
dans de petits bruits secs, ses dents tombèrent une à une, mais
jamais il ne devint vieux.
Combien de fois ai-je rêvé sa mort ?
Et aujourd’hui encore, dans les îles les plus folles, au sein des
chapelles absentes, sur les cimes anéanties, au plus profond
des carrières de sable où les hommes meurent à genoux, au
milieu des charniers verdâtres, au fond de la gorge des
marchands ambulants, du gitan humilié et des bourgeois
malades, il s’époumone.
Et son cri est grand, comme une lune hurlante, et se mêle au sang du Christ.
***
ERRANCE
Pauvre petite vieille femme qui tricote, assise,
quelque chose de violet qui n’en sera que plus
laid, assurément. Son visage fait cent
figures bizarres et pathétiques ; elle blasphème.
Plus tard, je me retournerai trois fois sur Notre-Dame.
Des mendiantes aux yeux noirs m’ont volé un
peu d’argent.
C’est justice.
L’autre matin, j’ai passé la nuit dans un lit
qui n‘était pas le mien. J’ai appris un
nouveau parfum. Et nous avons regardé s’en aller
les trains en écoutant des chansons à la mode,
d’autres moins.
Là, je reconnais un restaurant où je n’irai plus,
ici un pont qui ne me mène en fait nulle part.
Dans les rues, on croise toutes les maladies psychiatriques du monde
et de présumés intellectuels avec des petits airs pincés.
« Tu verras, les roses sont horribles ! » a dit le petit enfant
à sa mère.
Je devrais acheter un grand auteur, m’attabler et commander une bière,
cela serait tout à fait joli.
Des grappes d’étudiants sortent de la faculté en plaisantant
(c’est l’heure de déjeuner)
l’on se moque.
Trois jours de soleil et un de pluie.
C’est justice.
***
LE MAL DE JANUS
Malheureux sauvage, sage héritier du Grand Siècle ! mais, ta peau est vierge…
Qu’es-tu alors ?
Et toi, marchand de bêtes faméliques, misérable amant des quatre dunes infléchies ?
Vieux musicien, ineffable hère, comment te nomme t-on en bas, sous la terre ?
Petit matelot aux joues grasses, de quel nom t’affublent les oiseaux des abysses ?
Enfin, toi, la putain métèque, découvre donc ce visage honteux !
« Nous sommes l’être malade, prostré ce soir dans un gigantesque fauteuil de cuir. »
- Quoi ? Que dites-vous ?
« Celui là même qui s’est accouplé – l’infâme – avec la déesse Aphrodite aux petits seins, sur les berges humides de l’étang. »
- Mensonges ! Affreux mensonges ! Taisez-vous !
(à part) « Il a sacrifié l’enfant prophète… »
Nous sommes ce vieillard aux cheveux d’or qui est revenu de tous les endroits du monde.
Nous sommes celui-ci, qui est allongé comme une femme laide, et qui pleure. »
- Taisez-vous ! Taisez-vous donc, répugnantes créatures !
(tous les masques d’animaux, sur le mur, se mettent à sourire) « IL dit qu’il faut être en rage chaque instant… »
JULES MASSON MOUREY
Jules Masson Mourey est né le 28 septembre 1992 à Schœlcher (Martinique).
A l’âge de 16 ans, il découvre notamment Edgar Poe, Charles Baudelaire, Aimé Césaire et Arthur Rimbaud, desquels il commencera par s’inspirer lors de ses premiers écrits.
Après plusieurs parutions dans des revues comme Libelle, Le Moulin de Poésie ou les Cahiers de Poésie ainsi que la publication, à compte d’auteur, d’un premier recueil : « Le sourire des oiseaux », il aspire désormais à une écriture nouvelle.