Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS- MARINA NICOLAEV

Publié par ERIC DUBOIS sur 20 Août 2011, 09:37am

Catégories : #poèmes

 

 

 

la nuit de l’hippogriffe I

le jardin aux pommes d’or


d’un moment à l’autre
l’espace se métamorphose en cygne
tandis qu’il attend dans un chariot de feu
les nuages de l’armée céleste

je vis l'Hydre caressée par ses derniers guerriers
tombant lentement sur le récif
entre nous

au-delà s'étendent des labyrinthes bleus
soupira l’hippogriffe
si tu vas aux champs élyséens sans moi
il te faudra toujours me regarder dans les yeux
lorsque tu t’éloigneras en chantant
au bout de la terre
vers ton royaume des mots perdus


seul
le sphinx d’encre monte la garde
aux sept murailles et sept portes
de son jardin aux pommes d’or empoisonnées

plus loin
le rêve n’a qu’une réponse sans ailes
à Tout.







































la nuit de l’hippogriffe III


everything but your heart


le vent souffla dans ce jardin aux pommes d’or
et tomba malade avant l’aube

il suffit jadis d'un grain de sable:
la licorne devint invisible
sauf son cœur

les yeux d’archæoptéryx
reflètent toujours l'image terrienne
des eaux d'en haut
tandis que l’hippogriffe dort
les ailes ouvertes devant
dans la fatigue d’être solitaire

chaque nuit soulève les dunes
et laisse le récit de ses voyages inconnus
au porteur d’un seul oeil à fleur de tête

il était une fois un hippogriffe sur un rocher
et ce n’est pas donné à tout le monde






everything but your heart=tout sauf ton Coeur









la nuit de l'hippogriffe IX

disclosure – révélation

nous ne sommes pas seuls dans le désert
comme les guerriers sans abri

et les traces de la licorne d'autrefois
imprègnent la voix amère des mortels enterrés vivants
ressemblante aux pierres bleues
d'un seul jardin aux pommes d'or
plus éloignées que les étranges mégalithes
sans souffle au-delà du ciel

les chemins abandonnent
l'ombre de l'hippogriffe en survolant
ses eaux blanches du silence
dont le sphinx mange inlassablement les échos
nous ne sommes pas seuls dans le désert

les îlots du vent tremblent griffonnés
toute la faiblesse de son essor
et n'étaient plus en mesure d'entendre
les récits des témoins qui ont été perdus
à travers les sillages de l'espace
la clairière des étoiles lointaines
affleure tardivement
en tant que l'hippogriffe plongeait
dans les ondes des cumulus

vu de derrière au poitrail ensablé
son souvenir s'éteignit ce jour-là
au solstice d'hiver.







disclosure – révélation



la nuit de l'hippogriffe XV

 

le pas de l’ange

 

me semble-t-il toujours

que je rêve incessamment

les mêmes forteresses flottantes

 

des naufrages attendues des étoiles

en respirant ses grands voiliers en fer

comme une cauchemar

d'autrefois

 

c'est le fruit sauvage d’amertume

en train de muer

son innocence

en glissant sur l'accouplement

prévu des nuages

immondes

nécrophages

 

ils ne se dirent jamais adieu

et les murailles abîmées des cieux

touchèrent

l'empreinte encore chaude

des hippogriffes abandonnés

là-haut au bout des mondes

aux prédateurs du temps

 

l'hippogriffe s'éteignit

aux yeux grands ouverts

vers les montagnes lointaines

 

et ses ailes vaincues tombèrent

comme les derniers pas de l'ange perdu

dans le tiroir du sable

de la mémoire.

 

 

 

la nuit de l'hippogriffe XVI

 

panopticum

 

 

le chagrin poussa sous ses plumes

en noircissant

l'ancien miroir du vent et du sable

et prit en charge

les effluves incessibles

de la nostalgie

 

là-haut le désert mordit les rideaux du chaos

en illuminant l’Étendue du temps

jusqu'à ses yeux d'or

brièvement l'arc de l'infini

entra dans ses ailes

et l'hippogriffe sentit la peur

germant

entre les solitudes des songes

 

parfois un seul regard du cœur

peut rajeunir la Lumière en toi - soupira-t-il

 

l'hippogriffe resta encore une fois

seul dans soi-même

et la culasse du silence

demeura

dans son âme

les traces amères et durcies

d'autrui

 

à l'aube

en respirant

les imperturbables

flots des Cieux

il retrouva son Ombre.

 

 

entretien avec la solitude

j’écrase ses lettres dans le vent pour oublier
la semaine d’automne bleu
où macère lentement le silence des pierres
l'une contre l’autre dans mon âme

peut-être suis-je moi-même
ce contraste mimant la solitude
entre lumière et péché
après l’orage de toute ma vie
dans l’œil d’eau oublié au désert

c'est le même florilège
derrière ces choses
écrites sur les larmes de mon ange
qui meurt un autre jour
tant qu'il aura le cœur sur la main

telle une plume
tombée devant la bastide des ombres
d'après son battement d’ailes
tu reconnaîtras ma solitude

de temps en temps
une licorne aveugle se réveille en moi
seul
le bon Dieu sait pourquoi et me le dira

 

 

MARINA NICOLAEV

Née à Bucarest, Marina Nicolaev master architecte roumaine, doctorante à l’Université «Denis Diderot» Paris. Plasticienne (membre de l'Union des artistes plastiques en Roumanie et de la Maison des artistes en France), disciple d’Hortensia Masichievici Misu et de Marcel Chirnoaga, elle participe aux expositions nationales et internationales de gravure. Écrivaine, elle obtient des prix aux conventions de science-fiction et fait du journalisme dans son pays et à l'étranger (interviews, chroniques artistiques et littéraires etc.), mais surtout une poète («Anges particuliers», 2002, Éditions Inédit, Bucarest).

CV artistique: http://www.omnigraphies.com/modules/news/article.php?storyid=61

 

 

 

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