Transparence
Les frissons ont quitté le continu
pour se plaire dans l’alternatif.
Partout, l’imaginaire vit sur pile,
le virtuel se recharge en batterie.
Je suis assailli par des légendes blessées,
que d’autres aujourd’hui se plaisent à faire souffrir.
Ce sont mes frères humains qui les font avorter.
Il n’est plus d’héroïnes au seuil de la pureté,
ni de beaux chevaliers qui se jettent à leurs pieds.
la poésie demeure une toile sans serveur
sont tissés sur les consoles du cœur,
brodés sur les claviers de l’ombre,
imprimés sur les touches de la sensibilité.
Les allemands avaient peuplé le toit de notre école de mitrailleuses et de canons, au dessus du dortoir des grands.
En fouillant le ciel, les projecteurs en avaient chassé les anges.
Les tirs contre les avions alliés venus bombarder les usines ont sans doute abattus les rêves de mon frère aîné, brisé ses premiers élans de poète.
A proximité, heureusement, j’avais muni les miens d’un parachute intérieur. Avec souplesse, ils ont touché le sol de mon enfance, se sont blottis dans les abris de mon être effrayé.
Lucide, pour un futur de nouveaux tourments, j’en ai gardé jusqu’à ce jour la soie,… préservé soigneusement la douceur, utile pour atterrir sans dommages excessifs dans la réalité.
***
Les sauniers
l’air vif de l’émotion
passe et repasse à travers les hommes.
Il dépose à la surface des âmes
les fleurs de sel du destin cristallisé.
Les poètes ne doivent pas oublier
qu’ils sont les sauniers de la vie.
Ils suivent la route ancienne
qui va d’un cœur à l’autre
pour en fortifier le goût.
***
Paradoxes
Il est des paradoxes inoxydables
qui font du bien à l’imagination.
Celle-ci peut déguster leurs contradictions
cultivées sans faire intervenir
les vieux engrais de la raison.
Comme la tendresse humaine,
la poésie est une fée paradoxale.
Elle pique parfois sa victime,
non pour la faire dormir
mais pour emporter ses rêves
Le baiser poétique du prince charmant
cherche toujours des lèvres pures
pour éveiller des images endormies
***
Il est des moments sans pareil
où la lumière joue par les ouvertures
de sa flûte enchantée par le soleil.
Elle me permet d’entendre les murmures
d’oublier un moment le cri des armes,
d’inscrire la mélodie des feuilles
sur le solfège des mots qui passent.
MAURICE COUQUIAUD
Maurice Couquiaud fut rédacteur en chef de la revue Phréatique pendant 17 ans et vice-président du Pen-Club pendant 7 ans. Il demeure sociétaire de la Société des Gens de Lettres, membre du Centre de Recherches et d'Etudes Transdisciplinaires.
Il est l'auteur de trois essais consacrés à ses réflexions sur l'étonnement poétique et la place de l'homme au sein d'un univers mystérieux. Parmi, ses dix recueils publiés, certains ont été couronnés par des jurys prestigieux comme ceux de l'Académie française ou de la Société des Gens de lettres.