après la mort de l'ange
après
la mort de l’ange
celui qui était là, depuis les premiers temps
les peines et les combats
les victoires et les joies
après
la mort de l’ange
il ne savait plus rien
les mots
pour dire, l’écart
entre lui
et le monde
cet écart infini
où tout nous est du monde
les mots
et la tendresse,
où l’on s’accueille monde
après la mort de l’ange
il n’y a plus d’horizon
l’espoir
cet horizon
la peau
quelques frissons
après la mort de l’ange
l’infini se recourbe
les choses
disparaît
après la mort de l’ange
rien plus ne nous effleure
rien plus ne nous est peau
après la mort de l’ange
on aimerait se taire
on aimerait le rejoindre
cet ange
mais où donc ?
il est éparpillé
le monde tout entier
et pour le retrouver
tout
tout
réassembler
mais tout
on ne sait plus rien
même pas l’indispensable
où autrefois
dès l’aube de nos temps
là,
l’ange
après la mort de l’ange
le visage se tait
le sourire disparaît
et les yeux
savez-vous ?
ce qu’ils voient
ils voient mais aveuglés
le monde,
sans l’écart
entre nous et le monde
et cet écart
sans nous
sans nous sans rien du monde
après la mort de l’ange
le traverse
mais rien plus ne s’attarde
il faudrait pour cela qu’il s’y accorde des yeux
après la mort de l’ange
le traverse
le monde
le traverse
le temps
mais comme il n’est plus là
il n’est plus là
de temps
après la mort de l’ange
le soleil
n’est plus que le soleil
le ciel
n’est jamais que le ciel
les nuages,
les nuages
avant la mort de l’ange
le soleil
était le soleil
le ciel, le ciel
et les nuages,
les nuages
après la mort de l'ange,
il n’y a plus d’avant
avant qui nous était quelque chose d’éternel
après la mort de l'ange,
parfois
les mains tendues
malgré
et nous le savons
personne ne les osera
après la mort de l’ange
on avance le monde ce nu qui nous précède
avant
de bien avant
qu’en ce monde quelque ange
après la mort de l’ange on se cherche une tombe
tenter un peu de terre tout ce qui nous est manque
mais on ne la trouvera pas
sauf à chercher dedans
le vaste dedans soi
où n’est aucun dedans
après la mort de l’ange
le silence
rien plus ne le traverse
le transperce
le déchire
l’accorde à nos blessures
de blessures
il n’y a plus
rien là que des déserts qui assèchent la lumière
après la mort de l’ange
une ombre
haute comme le corps
et large
et profonde
elle n’est pas de ces ombres qu’engendrent une clarté et l’opaque d’un corps
après la mort de l’ange
demeure, quelque chose, ce monde
sans rien du monde
après la mort de l’ange
les mots, ne sont plus rien
même pas
notre peau
après la mort de l’ange
la peau est une frontière qu’on ne peut plus frontières
après la mort de l’ange
le cri
qui nous est monde
les peines et les joies
le plaisir
la souffrance
ce cri
on ne le sait plus
il est redevenu ce qu’il nous est ce monde avant toutes les naissances
après la mort de l’ange
on dépose la plume
on éteint le cahier
on lève lentement la tête
on espère, malgré nous
on espère
là
devant
sur un fond horizon
la grâce
d’un visage
après la mort de l’ange
le ciel ne nous est plus
la splendeur des nuits
le soleil
les nuages
il nous est cette peau d’avant qu’elle nous vienne corps
LUC-ANDRÉ REY
Bibliographie
Participations
-Métissage - Maison de la Poésie d'Amay, 2012
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A assuré la direction littéraire de : bords de mondes, photographies de Martine Cornil, chacune accompagnée du texte d'un auteur - maelstrÖm réévolution, Bruxelles, 2012 |