Maltête
(extrait de « Maltête »)
Grognement sous les feuilles mortes
Somnambule sonne
À ma porte grinçante
***
La petite fille morte
Se tient dans un coin
Immobile poupée
Aux yeux rouges d'angoisse
Que je caresse
Et étête
Le trouble pénètre
Le sourire proche
La rage au-dedans de moi
Roule de ma gorge à mes mains
Mains gantées de lichens
***
Fouet du silence lâche
Le voile funèbre
De l'indifférence
Atténue la douleur
Mais non le chant bavard
De l'hôte asphyxiant
***
Glisse et râle
Bouche d'encre molle
Basse vacillante
Du muet ne veux être
***
Telle une ombre fugitive
Une voile trépasse
L'océan
Jonché de radeaux vides
D'un calme exténuant
Coule
***
Langue morte, langue autre
Je revêt le masque
Entame le chant
Arachné danse
sur ses six jambes
M'enlace et de ses bras
Le clapotis d'un ruisseau
Se répand
***
Mes veines charrient angoisses et souvenirs
Mes nerfs, rage et volupté
Mon corps est l'asile de mon âme mystifiée
Et si parfois il me semble que je m'éteins
Que je coule dans un marécage de crépitements assommants
Bientôt, de nouveau, la chaleur me gaine
Et mon corps, lourd d'autrefois, se déverse.
***
Je suis larmes
Vives
Cascade
De souvenirs terrestres...
***
Énuclée, étêtée, démembrée...
Je goûte à mon tour
Nageant comme un poulpe au fond de moi-même
Les fantômes qui me parcourent.
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Les Ormonimpes
(extrait de « Brèches et transgressions »)
La neige s'infiltre soulevant des pans de peau
Des drapés de gras tombent mollement sur les os qui s'éloignent
Sifflements de grenouilles ailées
Aboiements de serpents quadrupèdes
De membre en membre des braiments de nerfs se répondent
Les Ormonimpes pénètrent les narines
Explorent diverticules, boyaux, grandes salles
À l'affût d'ombres sauvages à fixer
D'écorces et de rouille ils se frottent et grattent
Parfum de tourbe
Bouches d'airelles moisies
Ils reniflent et gouttent sous les plis des viandes molles
Un orgue hurle des sommets du ciel
La pitance s'impatiente et s'agrège
Germination des maladies
L'orgue s'alimente au tourbillon
Dans les réseaux statiques
Les Ormonimpes frétillent de contentement...
***
Bruissement de pierre...
Bruissement de pierre sous langue d'eau
Constellation saignée de cheveux blancs
L'herbe répand la voix des grillons
Les rivières d'aubépines fuient l'horizon
Ma poitrine s'effrite à l'union du soir
Louvoie l'émeute des lendemains
L'ombre des chats efface mon nom
Gouffre de voyelles arraché au goudron
La partition déroule ses ondes opaques
Il n'y aura plus de vol au cœur des serpents
Les immeubles chutent dans les faubourgs
Je m'ouvre à demi de l’œil et du ventre
S'engouffrent le désarroi des amours
Les roches me respirent à la traînée des cris
L'inaltérable soif des oiseaux nocturnes
Se niche dans le sourire de mon salut
ANA MINSKI
Ana Minski se promène entre le Val-de-Marne et les Pyrénées, tour à tour documentaliste, archéologue, femme de ménage, chômeuse... Elle a publié quelques poèmes et nouvelles ( Les Corrosifs, Créatures, Les tas de mots, Les Artistes Fous Associés, La gazette de la lucarne) et peint depuis 2011 : http://mitaghoulier.blogspot.fr/ ; http://anaminski.eklablog.com.