JAD SEIF
L'autisme en bas de chez moi,
Je rejoue le couronnement, et m'invente sans arrêter, des terres qui ne m'appartiennent pas mais que je veux posséder, que j'enterre ensuite - la démence m'oblige - j'ai dans le crâne - des habitudes morbides - que je ne veux pas voir battre de l'aile - des utopies que j'alimente, je ferme les portes à septuple tour: la clef est toute tordue.
Je suis quoi, au juste?
Crooner dans un musée - astrophysicien cascadeur - juriste de l'impossible - animateur d'émissions télévisées sans audience - populiste sans talent - poète raté - je suis quoi, au juste?
Jad Seif a une confiance absolue en la couronne posée sur sa tête - il craint de s'être fourvoyé: est-ce du toc, un piano sans cordes, le fruit de son imagination? Il ouvre ses livres un à un, feuillette toutes les pages, à la recherche d'autre chose, les phrases s'étalent devant lui, toutes identiques les mêmes mots les mêmes rythmes, comme s'il coinçait. On lui assure qu'il a un talent formidable - les foules ne l'acclament plus, elles s'ennuient en sa compagnie.
Je suis quoi au juste?
Alors il lui vient à l'esprit une idée: prendre possession de corps nouveaux, pour s'assurer une nouvelle dignité, s'extraire du corps qui est sien, renaître pour ne pas s'éteindre.
le 01-06-2014
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JEF DE SEDIJAF
Dans un premier temps, il devint poisson, guidant les peuples égarés vers de nouveaux volcans fertiles, sur lesquels ils bâtiraient des villages nouveaux: son nom était Jef de Sédijaf. Il méprisait Jad Seif, qui avait par son égoïsme, mené ses peuples vers leur fin. Suis-je vraiment l'ombre de cet incapable? se demandait Jef de Sédijaf, et honteux, il ordonnait aux peuples de se repentir. Se repentir d'avoir été ce qu'ils avaient été, de l'avoir acclamé sans avoir résisté à sa tyrannie - la tyrannie de Jad Seif. Pourquoi avoir donné le trône, donné le sceptre et la couronne à cet incapable, à Jad Seif ce crétin - il a failli vous perdre, il voulait votre fin? Et il leur ordonnait de se repentir.
Puis de poisson, il devint homme, capitaine de navire, capitaine de galère - il luttait contre Jad Seif son ombre à présent, pour s'en dégager, prendre l'avantage. Il guidait son peuple vers de nouvelles îles, vers de nouveaux volcans, mais sans cesse, c'est à sa perte qu'il guidait son peuple - par plaisir - par sadisme - pour avoir voulu sa perte - quand l'autre l'avait guidé à sa perte par ignorance. Il se mit à se haïr lui-même, à haïr l'autre - suis-moi, peuple damné de la terre, on y est presque, un dernier effort. Là haut, le soleil, la lune et les étoiles, leurs enfants, plaignaient les errants damnés de la terre. Il leur répliquait qu'il savait ce qu'il faisait - qu'il savait où il allait - qu'il n'avait de leçons à recevoir d'aucun astre. Il devait le précipiter au creux du volcan - avant qu'il ne soit trop tard.
Puis seul contre tous, il les vit qui le précipitèrent au creux du volcan, résistant à son autorité, s'émancipant à nouveau. Il redevint poisson.
le 01-06-2014
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VLADIMIR PANTOR
Maintenant, il était joie de vivre - sûr de lui - plein de certitudes.
Vladimir Pantor se moque des déprimés, ou leur vient en aide en les abreuvant de phrases toutes faites (« L'avenir vous ouvre les bras », ou « Aucune porte ne vous est fermée, il faut savoir saisir les occasions quand elles se présentent », ou « Souriez à la vie, elle vous sourira », ou « Il faut être optimiste, ça aide »), et qui lui permettent de se sentir heureux, et de l'affirmer haut et fort, fier de son optimisme. Jad Seif n'aimait pas son nouvel avatar - il voulait qu'il crève, carrément - parce qu'il n'aimait pas les gens trop heureux - Jad Seif était grincheux. Vladimir Pantor chasse ce vieux démon de son épine dorsale; il a le contrôle du corps et il compte bien le garder. Il rayonne comme un printemps en fleurs et en feuilles vertes - mais Jad Seif aimait l'obscurité et l'hiver, il n'était pas né en décembre pour rien - il cherchait dans la boite à idées des pensées qui rendent triste. Le chien! Il les avait enfouies six pieds sous terre.
Il s'était détaché de son avatar - parcourait l'étendue d'arbres, une pelle à la main, pour déterrer les idées noires. Nymphes, fées et reines des bois s'interrogeaient sur un tel comportement. Pourquoi cette lutte? Voulaient-ils troubler la paix qui régnaient dans leur domaine? Naquirent des sorcières, qui mirent le feu aux bois. Les nymphes alors se mirent à hurler - les daims fuyaient - les fées hurlaient - par où aller, Jad Seif et Vladimir Pantor étaient piégés - les reines des bois se lamentaient - les arbres brûlaient, brûlaient, élevant leur fumée comme en offrande vers le dieu Soleil - et avant qu'ils n'aient eu le temps de prendre conscience de ce qu'ils avaient fait - de bois le tout s'éleva en montagnes désertiques.
le 15-06-2014
Extraits de "Les réincarnations"
JAD SEIF
Il se présente :
Je suis né en 1991, à Paris. Grand passionné des mots et de la parole, des grands auteurs de la littérature, mais aussi de langue orale, je me suis mis à l'écriture en 2008. Céline, Flaubert, Beckett, Apollinaire, Claudel et Rabelais sont mes meilleurs amis, sans prétentions. Après deux ans en classes préparatoires littéraires, j'ai décidé d'étudier le Droit. Beaucoup n'ont pas compris. Mais le Droit, c'est aussi de la parole.
Son blog :