œil pour œil
j’ouvre la fenêtre
me penche sur le vide
mes yeux tombent
ma bouche tombe
ma tête tombe
je me redresse, le cœur léger
ce que j’ai vu par la fenêtre
n’a pas de nom
m’a fait rêver
même si j’y laisse quelques plumes
*
dent pour dent
regarde-moi je te dis
il y a quelque chose dans tes yeux
qui se jette
qui se tient au bord du vide
et puis qui se jette
et que je ne comprends pas
quelque chose qui tient tout entier dans ta pupille
même réduite à une tête d’épingle toute ta tête dans une tête d’épingle
qui se tient au bord du vide et puis qui se jette
comme la phrase qui sort de ta bouche
d’abord au bord de tes lèvres au bord de tes mots
sort du dedans pour grandir dans le monde
circuler entre les choses ou bien leur tourner le dos
s’attarder sur les feuilles des arbres les pétales des roses
la splendeur d’animaux au regard transparent aux crocs blancs comme l’os
ta phrase elle se jette dans la gueule des bêtes
pleine de sens elle se déchire elle saigne elle éclate
et alors elle ne veut plus rien dire
et l’animal sourit
et tu souris
et je souris
même si je ne comprends pas je souris
et je jette mon sourire à la face de la mort
parce que ta phrase elle est morte
mais pas nous
*
l’œil dans la bouche
le voir bascule dans le dire
se renverse
se jette dans le noir
vu que
toute langue articule la traversée des corps
conjugue le vide
s’accorde à l’étranger
cette autre peau jour après jour revêtue
JULIEN BOUTREUX
Il se présente :
Julien Boutreux est né en 1976 et vit près de Tours. Poèmes et nouvelles dans une trentaine de recueils collectifs et de revues web ou papier (dont Traction-Brabant, L’Ampoule, Paysages écrits, 17 secondes, Squeeze, Dissonances, La Passe, Poésie/première, Nouveaux délits, Ce qui reste…). Aux éditions La Porte : L’oiseau de pierre.