( Maj 19/02/2018. Les textes publiés initialement avaient déjà été mis en ligne en Février 2017 ont été supprimés et sont remplacés par les bons textes cette fois-ci. L'auteur Charles Orlac s'excuse. auprès de vous.)
Inventaire
Nouvel an : impossible bilan.
À tout hasard pourtant j’ai dressé l’inventaire
De tout ce que j’ai gardé en dépôt
De ce qui n’est qu’un désordre de plus
Un désordre nouveau :
Des frénésies pour crânes exigus,
Des chevelures houleuses tranchées dans la soie,
Des draps pliés parfumés, une averse dans l’armoire,
Un billot de chêne maculé d’éclaboussures
D’aube sur des restes de nuit
Un escargot à la rue, expulsé,
Des limaces coquettes essayant sa coquille,
Des camelots, les lundis, sous le métro aérien
Des nuits incertaines mal refermées
Comme de vieux tiroirs sur des envies lubriques,
Dans la ruelle étroite, pavés luisants,
Des réverbères amnésiques
Angelots vieillots, retraités du gardiennage
Des lèvres célébrant le calice l’autel,
Des livres genèse des pires génocides,
Des candélabres aux murs de manoirs délabrés,
Des arbres, le tronc noir et la branche coupable,
Blanche à l’endroit de la corde nouée,
L’envers d’un décor bucolique, lynché
Des machines de guerres froides sanglantes
Avec dans leurs tambours toutes les voix petites,
Le silence qu’on étrangle.
***
Renouveau
Les illusions mortes sont mortes à jamais
… J’enfonce enfin dans des certitudes nouvelles
Mes yeux tantôt gonflés d’orage
Ont perdu leur colère et je vois mieux
Et j’entends mieux, qui sait, comme un mutant.
C’est l’heure béante de l’ultime beauté
Visages ovales regards d’opale
Tout éclaire mes pensées jadis entrelacées de ronces.
Les illusions mortes sont mortes à jamais
… J’enfonce confiant dans des certitudes nouvelles
Les bruits dans les buissons relèvent la tête
Sur le fleuve glissent des maisons en allées
Les fanaux des locos dans la rase campagne
Surprennent la vie animale des talus
Des oiseaux kamikazes foncent ignorants
Sur d’invisibles miroirs qui volent en éclat
Le vent qui sait lire dans le linge étendu,
La vie des pauvres gens,
Sur la terrasse sèche ses larmes et va
Se pendre plus loin au-dessus des champs enneigés.
Les illusions mortes sont mortes à jamais
Aux carrefours hennissent à nouveau
D’anciens courriers de cahoteuses diligences
Des calèches sombres traversant le temps
Tandis qu’au bout de la plaine
Retournée, soulevée par de grands chiens noirs
La mer demande pardon à ses noyés
***
Les mots
Taries les nappes phréatiques de la pensée.
D’avoir trop puisé dans la sécheresse de l’été,
Les puisatiers sont épuisés,
Les sourciers sourcilleux. Tous attendent
Que reviennent les pluies d’automne.
Il n’y a plus rien
Plus de matière à penser
Dans la citerne des mots
Il n’y a plus d’eau…
Ne prenez pas ombrage
Cabanons des Calanques
Si l’éclat du Midi
Éblouit vos fenêtres
C’est une autre langue
Celle de la mer
Qu’on voit depuis la sente
Verte marbrée de mouettes
Rocailleuse lorsqu’elle s’enroule
Aux galets de la plage
Aux paroles des vieux ritals
Qui roucoulent en ces lieux
Des jours meilleurs.
Les mots sont des fruits invisibles
Sur le bout de la langue souvent,
Quand ils ne sont ces gommes qu’on remâche
Ces salades qu’on retient, que d’autres lâchent
Fraise rouge parfois,
La braise d’un feu de camp
À l’aube des collines
… Toute une nuit à se nourrir
Des lumières de la plaine
Et ne posséder que ces restes…
Mots de pierre mots cailloux
Les premiers cairns sur les sentiers de nos rêves
***
mémoires
1
falaise crépitements de blanches mouettes
Sur le tableau noir la craie se rappelle
Le vent, les courses, les surplombs d’azur
Elle qui n’est plus sous les doigts
Que poussière d’enfance à présent
2
La mémoire des choses perdues
S’imprime dans le vent
Et le vent me décoiffe encore
Moi qui suis chauve depuis longtemps
***
Miniatures et haïkus
Crayon à la main
Posté dans mon canap
Je guette un vol de haïkus
*
Sa terre était bleue comme une orange
La mienne est blessée, rouge sanguine
*
Matin- Neige vierge
comme Reine encore infante
au règne immaculé
*
Flamme vacillante
sur son dernier bout de cire
– Incessamment la nuit
*
Première goutte
L’hiver me pend au nez
Rhume et froidure
*
Nuit de granit.
Éteinte à mon chevet
La lampe Dolmen
*
Gravité.
— Monter en flèche
jusqu’à l’inévitable fléchissement
*
Je n’ai jamais si bien chanté
que lorsque j’étais merle.
Aujourd’hui
qu’ils sont rares les mots
qui ne soient que musique.
CHARLES ORLAC
Il se présente :
Charles Orlac, né en Italie en 1953, a vécu sa jeunesse dans le sud de la France avant de s'installer à Paris en 1980.
Agrégé de musique et diplômé d'une maîtrise d'italien, il partage son temps entre l'enseignement, son activité de musicien et l'écriture. Son recueil de poésie « vie d'origami et autres pliages » est paru chez Edilivre en septembre 2016 https://www.edilivre.com