Belinda est un film fleuve de Marie Dumora qui suit l’évolution d’une enfant d’une dizaine d’années ans jusqu’à l’âge où nos rêves ne sont plus aussi certains que le sommeil dans lequel ils sombrent. C’est la voix - de celui qui restera tout le long du film nommé respectueusement Monsieur - qui nous fait entrer dans la vie de Belinda et de sa sœur Sabrina. Toutes deux ont été confiées à une famille d’accueil et sont sur le point d’être séparées. Les mots de l’adulte se veulent rassurants pour traduire la décision administrative. Pas de révolte ni de résistance de la part des fillettes. Leur soleil est encore avec elles, dans la force vive de l'enfance qui ne se projette que dans les heures qui viennent. Les trajets en voiture, les marches le long de la route montrent la vie de Belinda toujours en mouvement mais avec les années qui passent. Entre ses coups de fil et les conversations, la réalisatrice dresse le portrait émouvant d’une jeune fille qui ne parvient pas à quitter les siens. Comment d’ailleurs ne pas vouloir rattraper ce dont on a été parfois privé ? Ce compte à rebours de la solitude poursuit Belinda dans sa vie d’adulte avec les séjours en prison qui séparent encore. Pas de misérabilisme ni de tristesse, juste l’inéluctable compte à rebours des privations qui se répètent. Le corps se transforme. Serrée dans une robe trop ajustée pour contenir toute sa tendresse, Belinda ira se marier en maison d’arrêt. Elle en revient avec un livret de famille dont on mesure tout à coup la valeur. Dans ce document qu’elle présente fièrement aux siens, il y a bien plus que l’officialisation de son union. Il y a l’espoir de fonder à son tour une vie solide où l’on n’est plus seule. Magnifique et solide Belinda qui porte l’énergie qu’il faut pour garder l’essentiel de soi qui n’existe que dans sa relation aux autres. Nana à la gouaille bien pendue ou jeune fille à la perle dévorée par un front si grand qu’il donne aux yeux tout leur éclat, Belinda est tout ça, la rencontre improbable d’un être de chair qui n’a pas besoin de faire son cinéma. La réalisatrice accomplit le tour de force de ne pas brusquer les choses et de donner à son personnage le temps qu’il faut pour grandir. On ne peut qu’admirer la constance de ces tournages réguliers pour ne pas la lâcher dans la nature. Le spectateur n’assiste pas aux raccourcis hâtifs d’un parcours de vie condensé. La réalisatrice offre à Belinda l’album des images de sa vie. Quelle force quand un film arrive à nous faire voir et aimer des êtres qui nous deviennent familiers ! L’été vient et jamais une fermeture à l’iris n’a mieux gardé le secret d’une vie débordante si simplement évidente.
9 mars 2018
LAURE WEIL
Laure Weil se présente :
Professeur agrégée d'arts plastiques, je suis aussi curieuse de littérature, de cinéma et d'architecture. J'ai fabriqué quelques livres d'artistes, dont le lien entre eux semble être l'effacement. Livres restés confidentiels. J'écris généralement pour restituer une rencontre avec une œuvre, qu'elle appartienne au champ des arts plastiques ou au cinéma.
Je cherche à diffuser mes textes parce qu'il est plus facile de se motiver à écrire régulièrement quand on sait que ses textes sont susceptibles d'être publiés.
Mes écrits sont nourris par ma culture des arts plastiques et par ma liberté à jouer avec les mots, comme s'il s'agissait de couleurs pour un peintre.