Le pli des leurres, Luminitza C. Tigirlas, éd. Z4, 14€
Un livre question
J’ai eu d’abord l’idée d’intituler cette note de lecture : un poème inappartenu. Mais il restait encore à la fin du livre quelques questions que cette écriture me suscitait. Donc, ce pli comme un livre de questions. La paternité de ce texte reste d’ailleurs une de mes premières interrogations. Car ces poèmes en forme de dialogues se revêtent de différentes personnalités, et ne s’attribuent pas une voix unique et définitive. L’autrice oscille entre diverses identités.
À mon sens, nous sommes dans une écriture post-expressionniste, et il est clair que la filiation avec le théâtre de Sarah Kane a été fondamentale. Est-ce du reste tout à fait Sarah Kane qui fait écho ? Sommes-nous vraiment dans un expressionnisme tardif ? venu d’Angleterre ou d’Allemagne ? Devrions-nous pencher davantage vers le surréalisme ? le futurisme, là aussi tardif ? Ce que je distingue, c’est d’abord un certain talent pour inventer une forme, des formes. Et même si l’écrivaine ne se satisfait pas d’une formule, on aime passer d’un registre à l’autre, d’une des personnalités de l’écrivaine vers d’autres. Si l’on cherchait une filiation musicale, irions-nous vers Varèse ? ou Xenakis ?
J’ai trouvé des signes partout du Néant, dans l’expérience de l’absolu. Une famille est un Tout : mère – terre ; frère-sœur – air ; père – le feu ou l’eau. Moi je travaille à réunir ces éléments.
Cependant, une composition s’installe, nous rassure, voyant l’autrice prise d’une inquiétude très forte mais qu’elle surmonte. J’ai pensé aussi à la poétesse Catherine Andrieu dont le travail pourrait aussi reprendre certaines des interrogations que j’ai formulées plus haut. Ainsi, s’offrent au lecteur une aventure et une découverte exigeantes, loin du divertissement littéraire, afin de répondre en soi à la plasticité d’une écriture intime, seule capable d’une vraie jouissance du beau, parfois, ou de l’aspect organique d’une expression littérale. Il faut parcourir ce texte pour reconnaître peut-être une sorte de soin, de vitalité sur laquelle ces poèmes débouchent.
DIDIER AYRES