La Cerise
Au creux de mon gant
Une queue de cerise
Prise dans un glaçon
Attachée encore à son noyau
Plus rien de la peau
Rien de sa chair
Je regarde
Un glaçon que j’ai ramassé
Que je regarde comme au hasard
A cause de sa fourrure de givre
Hérissonnée sur le contour
Si délicate au soleil blanc
Et si brillante d’hiver
Que je regarde
Dedans sur le côté dans le glaçon
Bien détachés du noyau
Brillants de bulles
Minuscules d’air
Je regarde
Je regarde
Deux épanchements rubis
Et nuageux
Parmi le froid
Filandreux
Qui se diluent dans le rose
Que je regarde
Je regarde je crois
Deux épanchements de pulpe de juin dans février
que je regarde
quand je pense que je regarde
Et je ne regarde pas la queue
Je ne ne regarde pas le noyau
Pas le givre dont les aiguilles maintenant constellent mon gant
Je ne non
Je regarde le rubis qui s'étiole dans le rose
Je ne pense plus
Je regarde
Je regarde
Le rouge le rose
Vasculaires
Que je regarde
Je regarde
Je regarde le rebord de ta bouche
C’est ce que je regarde
Le rebord de tabouche
Je regarde
Je regardebordetabouche
Je regarbortabouche
Je garbor tabouche
Je reborde tabouche
Je rabord ta bouche
Je te regarde ta bouche, je te bouche, je regarde le bord de ta bouche, je te rebabouche, je ta bouche
Et puis je pense
Au bout du compte je pense
Je regarde un peu moins fort la bouche
Le rubis le rose épanchements
Toujours je regarde mais je me mets à penser
Je revois la glace la queue la cerise un peu je pense maintenant
Je pense
Je regarde encore un peu mais je pense
Je pense
Avec ce glaçon dans ma main
Que je ne regarde pas
Je pense Était-ce toi au village à la nuit ?
Était-ce toi ? Je ne pas
Les deux épanchements le gant je ne
Je pense avec mes lèvres
Tout seul
Je crois bien que je pense avec mes lèvres maintenant
Je pense
Je pense à toi /
Je pense à toi /
Je pense à toi /
RAPHAËL ROUXEVILLE
Il se présente :
Les poèmes de Raphaël Rouxeville ont récemment été publiés en revue par Le Capital des Mots, Terre à Ciel, Lichen et Décharge.