A nu
sur le fil de l'âme
écorchée
la mélancolie se cache
sous la cuirasse usée
C'est là qu'un chant crépusculaire
distille en secret
des notes murmurantes
comme des petites morts
dans la nuit fracassée
la douleur est un monstre sauvage
elle brise la parole
en morceaux épurés
taillés
à fleur de plume
illuminés
dans le noir abyssal
***
Le cri bleu
que lançaient tes yeux en mal d’horizons
ta voix alourdie de tropiques
J'ai lu dans ton regard
le rébus des marées
sans retour
J'ai bu le sel et l'écume des larmes
à la crête des mots
Tu n'étais plus là
tu avais pris la mer
je suis restée
à terre
en rade
le cœur lourd comme une ancre
***
Alors on court, on court tout le temps
on court après le temps
l’amour la jeunesse le soleil la tendresse
On court dans la rue
dans le métro dans les parcs
On zappe on surfe on twitte on like on poke on share
-toujours connectés
à cette petite lumière qui clignote dans la nuit
avec des pouces bleus
des smileys jaunes fendus
et des cœurs roses qui s’empilent
Comme si ça pouvait
empêcher la mort
de tout arrêter
net.
***
Fin de dimanche
le jour décline
le gris gagne
un nuage prend de la couleur
rose
ça donne un ciel à la Watteau
les voitures se rangent à leur place
en épi
l'une après l'autre
et moi
en double file,
qui n'arrive pas à rentrer
chez moi
les familles sortent leur week-end du coffre
des enfants boudeurs
assis dans les feuilles mortes
jouent
avec un ressort jaune
mon cœur suit sa course
spirale perpétuelle
et retombe
dans le vide
entre leurs pieds
bientôt on allumera les veilleuses
***
Je n'ai pas d'autre chant
Que celui que je tais
J'écoute dans mon cœur
La frange d'un écho
Mon ombre boiteuse
Ma voix aphone
Ont épuisé
Leur tranche de lumière
Nous sommes si nombreux
A errer dans la nuit
A graver des signes
Sur les parois enfouies
De nos grottes virtuelles
Pour ne pas mourir tout à fait.
***
L'écriture est une porte ouverte
sur le monde
les arcanes
du chant intérieur
un basculement ébloui
les pieds dans le sable
les yeux mouillés de larmes
c'est une plage dans la nuit
une prière avant la mer
une cicatrice intime
lumineuse
comme une rivière bleue
DOMINIQUE BERGOUGNOUX
(
Elle se présente :
Née en banlieue sud de Paris, elle a fait presque tous les métiers : visiteuse médicale, hôtesse de l’air, responsable de communication culturelle, professeur de lettres, documentaliste, orthophoniste. Mais elle a toujours écrit, de la poésie surtout, et chanté, souvent — du jazz à la bossa. La musique des mots comme dénominateur commun. Elle a publié : À rebrousse-cœur (La pensée universelle, Poètes du temps présent, 1981), et dans Les cahiers du détour/Silence n° 5 (Acerma, 2000), ainsi que quelques poèmes récemment publiés par les revues en ligne Le Capital des Mots et Lichen.
Elle poste des poèmes sur sa page Facebook depuis quelques années et appartient à plusieurs groupes de poésie, dont « Vents de haïkus ».
Un recueil en autoédition.