FILLE OU GARÇON
Il sera le plus beau du monde
Parce qu'il illuminera
L'éternité d'une seconde
Elle sera reine ou avocate
Mécanicienne ou acrobate
Éclaireuse de mappemonde
Ou générale de cinéma
Tu feras des rêves plus grands
Que la colline des enfants
Et tu les réaliseras
Je te lirai des histoires
En écoutant tes silences
Toi qui sauras vivre au présent
Tu m'apprendras la simple chance
D'être là
Il sera danseur, musicien
Ou poète, comme papa
Il deviendra peut-être artiste
Ou acrobate, ou alpiniste
Cultivateur de chocolat
Dessinateur ou bien dentiste
Même si tu aimes le sport
Je ne t'en voudrai pas vraiment
C'est l'influence de maman
Vous ferez du basket ensemble
Et je compterai les paniers
Mais si jamais tu me ressembles
Tu les mettras à côté
Et peut-être, si ça se trouve
Qu’il ira au musée du Louvre
Les jours où il fera soleil
Ou qu’elle aimera les groseilles
Tu vois, tu ressemblais à ça
Si maman te fait des misères
Viens dans les jupes de ton père
Et plus tard quand tu seras grande
On votera François Hollande
Même s’il ne se présente pas
En cas de problème à l'école
Mon pacifisme en souffrira
Mais il n'en aura pas deux fois
Si elle a des idées bizarres
Qu'on ne lui gâche pas ses rêves
Qu'elle continue à y croire
Nous serons champions en bêtises
Nous nous en apprendrons aussi
Je te chanterai des chansons
Pas bien, mais tu feras semblant
En ajustant tes vocalises
De les aimer sans conditions
Si elle aime les papillons
J'en dessinerai de nouveau
Mais en cas de cœur d'artichaut
Afin de se méfier très tôt
Des pelles des petits garçons
Je lui dirai l'utilité
De savoir manier le râteau
Vois la beauté en toute chose
Et ne réduis pas ton sourire
Si plus tard, c'est ta vigilance
Qui sauvera ce qui peut l'être
De la société des fâcheux
Rien n'aura plus d'importance
Que le bonheur dans tes yeux
***
TANT QUE JE TIENS DEBOUT
Poème inédit
Tant que je tiens debout, je marche
Tant que je suis vivant je tourne
Autour de l’idée du bonheur
En pensant que je la dessine
Tant que je tiens debout, j’ai peur
D’avoir inventé des mirages
Et d’avoir cru en Mélusine
Je protège mes illusions
Qui serviront un jour ou l’autre
A ceux qui les retrouveront
Tant que je tiens debout, je tente
De ne pas plier, tomber
Et de laisser la porte ouverte
A l’inattendu, aux étoiles
Au retour de rêves
Si mal oubliés
Tant que je tiens debout
J’essaie de maîtriser les heures imbéciles
Qui m’échappent
Il y a longtemps que je ne perds plus mon temps
J’ai tôt passé l’âge pour ça
Tant que je tiens debout j’écoute
Un peu de la marche du monde
Et je mets à distance
Les semeurs de petits chaos
Qui se nourrissent de l’écume
Tant que je tiens debout, je me dis « Pourvu que ça dure »
Et je regarde
J’aime
J’écris
***
REGARDER LA MER
Poème inédit, à paraître prochainement dans l’anthologie autour de l’intime, réalisée par Laurence Bouvet, aux éditions Unicité
Je finirai peut-être un jour seul sur un banc à regarder la mer
Malgré les mouettes toujours imbéciles
Qui ne comprennent rien
Je crois que tous mes rêves devenus impossibles seront simplement
A léguer aux gamins
Qui n’en voudront pas
Et s’en construiront d’autres, en tous points identiques
La nouveauté n’est rien qu’éternel recyclage
Et rejet systémique, parfois
Alors j’aurai le temps, et plus grand-chose à faire
Et je repenserai à tous ceux qui m’ont fait
A celles qui ont compté, qui ne le savaient pas
Ou bien qui le savaient
Je finirai peut-être par combler le silence d’histoires singulières
Que je m’inventerai pour oublier la mer
Qui emporte, implacable,
D’autres rêves flottants, toujours un peu fragiles
Comme le sont nos vies
MATTHIAS VINCENOT
Il se présente :
Né en 1981, docteur ès lettres, Chevalier des Arts et des Lettres, il est l’auteur d’une
quinzaine de recueils et est présent dans de nombreuses anthologies. Certains de
ses poèmes ont été mis en musique et chantés, d’autres ont été traduits.
Président de l’association Poésie et Chanson Sorbonne et du Festival DécOUVRIR, il est aussi le directeur artistique de Poésie en liberté, concours international en langue française pour les 15-25 ans. Il tient la chronique « Le mot et la note » dans le magazine FrancoFans et a fait paraître en 2017, aux éditions Fortuna, Poésie et chanson, stop aux a priori ! (100 pages pour remettre les pendules à l'heure). Après un nouveau recueil, J’ai vingt ans, chez ce même éditeur, en 2018, soit vingt ans après le premier, il a fait paraître deux ouvrages en 2019 : Instapoèmes, avec Julie Biet (éd. du Mont-Ailé) et La chair des mots, avec André Prodhomme (éd. Hermann).
Il est également directeur de collection.
Avec Eric Poindron, il a créé et anime, tous les premiers lundis du mois, les Lundis du Livre en Mairie du 5ème arrondissement.
Sociétaire de l'Académie Charles Cros, il est aussi le co-fondateur et le co-directeur (avec Thierry Cadet) du Prix Georges Moustaki.
Il est également professeur aux Cours de Civilisation française de la Sorbonne.