Dans le chaud
Dans le froid
Tu es toujours là
Un feu dans ta timbale
Des morceaux de maïs
Qui grillent au-dessus
Tu es grave
Concentré
Ton regard brun
Plein de conscience
Accompagne ton geste précis
Tu tournes et retournes le maïs
Brûlant il est
Et tes doigts noirs – brûlés
Mais tu ne dis mot
Et silencieux tu continues ta tâche
Juste un « Du sel madame ? »
« Oui, je réponds, merci ! Bon courage ! »
Étonné, tu lèves la tête
Et esquisse un sourire timide
Chanteuse dans le métro
J’entends ta voix
Qui chante seule
Sans musique
Elle est douce et colorée
Bien qu’en peu précipitée
Je me retourne
Je te vois
Mais toi tu ne me vois pas
Tu ne vois rien ou presque ….
Assise dans un coin
Du couloir du métro
Froid mais peuplé
Tu tiens dans ta main
Un gobelet
Où quelques-uns
Te jettent quelques monnaies
Ton chant imparfait
Me touche droit au cœur
( que vis-tu ? je ne sais pas)
Mais il n’est pas triste
Il n’est pas morne
Il n’est pas désespéré …
Et toi tu es bien unique
Assise là
Dans un coin du métro
Comme ça juste
Avec ton micro
Et ta voix nue
Chaleureuse,
Si humaine…
***
Paranoïa
Août 2019
Étant petite, en Bulgarie,
On m’a fait peur avec les Turcs
Et je me suis mise à avoir peur des Turcs
En Bulgarie on n’aime pas les Gitans
Je me suis mise à avoir peur des Gitans…
Je suis devenue grande
Je suis venue en France
On m’a fait peur avec les Arabes
Je me suis mise à avoir peur des Arabes
Puis avec les Noirs
Je me suis mise à avoir peur des Noirs
Puis avec le « Made in Chine »
Je me suis mise à avoir peur des Chinois…
Puis on m’a fait peur avec les Américains
Je me suis mise à avoir peur des Américains
Partout on médit sur les Juifs
Je me suis mise à avoir peur des Juifs
Plus tard on m’a fait peur avec les Policiers
Je me suis mise à avoir peur des Policiers
Puis des Enfants
Je me suis mise à avoir peur des Enfants
Puis des Vieillards
Je me suis mise à avoir peur des Vieillards
Puis des Hommes
Je me suis mise à avoir peur des Hommes
Puis des Femmes
Je me suis mise à avoir peur des Femmes
Puis on m’a fait peur avec moi-même
Et je me suis mise à avoir peur de moi-même
****
Dans l’attente (24 juin 2019)
Dans l’attente du compliment je suis
Mais elle ne dit rien et serre les lèvres
Dans l’attente de son regard je suis
Mais elle détourne les yeux …
J’aimerais qu’elle pose sur moi un regard maternel
Positif et confiant
Caressant et apaisant
Mais elle n’est pas une mère la vieille amie…
Mes oreilles veulent entendre
Des sons doux de sa bouche
Des paroles qui mettent en confiance :
« Que tu as de beaux cheveux !
Que tu es habillée avec goût !
Que tu es bonne mère !
Et que tu chantes bien !
Et tu sais faire de la bonne cuisine !
Et tu as toujours bonne mine !... »
Au lieu de cela
Elle me fait un sourire confus la vielle amie
Et soudain je songe :
Elle attend peut-être elle aussi
Des compliments
Des encouragements
Des regards bienveillants…
Je songe aussi
Je sais qui je suis :
Une mère attentive, qui aime son enfant
Une femme enjouée, qui aime son fiancé
Quand j’ai le sourire
Je suis belle,
Je choisi mes vêtements
Avec soin,
Je sais bien cuisiner
Lorsque je m’y mets,
Et par mon chant
Je célèbre la nature et les êtres.
Et je songe encore
Ce matin tout en douceur
Que l’on peut avoir confiance
Il suffit d’aimer la vie
Et de savoir accueillir
Ses petits bonheurs…
Elle se présente :