Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS n°1-Novembre 2007- Roland Nadaus-Kamal Benkirane

Publié par LE CAPITAL DES MOTS ( revue de poésie) sur 10 Novembre 2007, 00:00am

Catégories : #poèmes

L’Invention de la Tendresse
L’invention de la Tendresse ne se date pas c’est comme celle de la Roue c’est comme celle de l’Enterrement des Morts –de toute façon depuis le Début nous sommes trop fatigués de porter tout seuls notre corps.
Et cependant tous deux nous voulions continuer de marcher ensemble et ensemble et plus loin encore –et pourquoi pas jusqu’à ces villages-mirages qui floutent l’horizon là où le Soleil est trop lourd pour les épaules de la Terre.
C’est ainsi que nous avons inventé Ce-qui-allège : on ne l’appelait pas encore Tendresse –mais c’était comme une roue d’amour : plus rien n’était lourd ni cruel et la mort s’enfuyait à tire d’Elle et nous étions immortels d’ainsi nous aimer.
Certains prétendent que Tendresse est le nom de cendres du Désir : pauvres fumeurs de Carbone 14 !Décidément bien des animaux disparus en savent plus que vous sur l’Amour.
 
 
 
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L’Invention du Bonheur
C’était pour inventer le Bonheur : nous projetions des ombres dans les grottes nous peignions des animaux roux de hiératiques signes de chance nous gravions dans la pierre les magies de la chasse et du sexe –tout ce qui rend possible l’impossible Amour.
Je t’ai ainsi offert de vrais livres rupestres des chapitres de cavernes des abris sous roches de mots et cent mille Lascaux de poèmes.
Et pour te les écrire mes doigts ont saigné ocres traces sur la roche il en reste pus de mes ongles, je me suis brûlé paumes et paupières j’ai nourri de mes larmes la rivière enterrée j’ai sacrifié sur la Pierre Sacrée j’ai déterré mes morts pour t’en faire cadeau –même les sorciers en ont eu peur car le Bonheur est effrayant.
Si les humains d’aujourd’hui savaient nous lire ils n’oseraient plus parler d’Amour.
 
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L’invention de l’Ecriture
 
 
 
                 L’invention de l’Ecriture date de l’invention de t’Aimer c’est prouvé :il y a des bêtes qui hurlent qui dansent ou qui puent pour s’attirer l’Autre – moi c’est en torchant des pages blanches que j’accomplis le rite : autour de moi en moi ça grouille de mots de sens de non-sens des sons encensent le silence et l’embuent comme mes phrases bavent leur encre à la manière des escargots –sur ta peau. Je suis un homme pariétal.
Même quand je n’étais pas encore moi –faute de toi – je crachais déjà l’ocre en sarbacane sur la roche ou bien j’y griffais à doigts nus la voix sans écrits de l’Amour. Toutes les grottes t’annoncent.
Toutes mes grottes témoignent de toi.
 
 
                            
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PAUVRETÉS
 
 
Les animaux sans yeux
les animaux sans dieu
la parabole des aveugles
 
 
et mes amis au regard crevé
 
 
et mes compagnons d’Emmaüs
 
 
et mon enfance à reculons
sur le piano des riches aux dents blanches
 
 
et les matelas de l’Abbé Pierre
aux ressorts si usés
qu’il fallait vraiment l’amour
pour y aimer
 
 
Les pauvres n’ont vraiment aucune excuse :
ils sont sans yeux
ils ne voient pas leur béatitude
ce ne sont que des animaux qui nous ressemblent de loin
 
-         mais ils ressemblent à Dieu 
si près !-
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SOIR DE BOCAGE
 
 
La neige de mai
dans l'aubépine
 
Le front du Christ
dans l'épine
 
L'oiseau siffleur
contre la nuit
 
Le cœur du monde
dans mon cœur
 
Toutes les miettes
de ma vie
 
–Merle noir et moqueur
petite et grande eucharistie…–
 
 
 
 
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PRIÈRE DU POÈTE
                        A Teilhard, im.
 
Vers Toi je tends
mes mots
–arc de prière–
 
Chaque soir
j'improvise
–un chant d'espérance–
 
Chaque matin
je balbutie
–l'unique psaume des relevailles–
 
À chaque instant
je communie
–en chaque lieu à Ta Parole–
 
Mes mots tendus
vers Toi
–sont arc d'Amour–
 
Ô Seigneur
délie en moi
–la langue prophétique du poète–
 
 
 
 
ROLAND NADAUS
 
Né en 1945,Roland Nadaus a publié sous son nom et sous pseudonyme   une cinquantaine d’ouvrages :poésies,contes,romans, pamphlets,récits,lettres,dictionnaires,éphémérides,etc. .Elu local depuis 1977,il a aussi bâti une ville, Guyancourt (dont il fut maire 20 ans)et pour partie la Ville Nouvelle de St-Quentin-en Yvelines :s’y trouvent notamment la Médiathèque Jean Rousselot (inaugurée du vivant du poète) et la Maison de la Poésie (direction Jacques Fournier)mais aussi l’île Jean l’Anselme,le Centre de Loisirs Moreau du Mans,la Place Jehan Despert,l’allée Jacques Simonomis ,etc. Un « chemin des poètes » relie les nombreux sites portant un nom de poète.
Le premier livre de Roland Nadaus, Maison de paroles est paru au Mercure de France en 1969. Une anthologie lui a été consacrée(choix de J.Fournier,éd.Le Dé Bleu) : « Vivre quand même parce que c’est comme ça »   .La Cie La Courte Echelle vient de créer sur scène ses contes : « Dans l’oreille du géant ». Ses premiers romans sont introuvables.Les autres sont encore disponibles chez Gaïa et Nykta. Il vient de publier un ensemble de « poèmes journalistiques » :Les Noms de la Ville(Soleil Natal éd.).Ses textes ont paru dans de très nombreuses revues francophones.Il a reçu le Prix International Antonio Viccaro (« Prix des 3 Canettes « ) lors du Marché de la Poésie de Paris 2007 en liaison avec le Festival International de Trois-Rivières(Québec) dont il a été l’invité à l’automne. Il a fait sienne cette devise d’Aimé Césaire : « Créer un poème et créer une ville c’est un peu la même chose ».
Un roman, un recueil d’épîtres , un ensemble de nouvelles et un recueil de poèmes en prose doivent paraître en 2007/2008.
 
 
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Dans la verve du Bohémien
Bohémien dans les cadrans de la ville
au pays des Amériques
j’interpelle le temps
qui s’éprend de mon silence hivernal
sur des échelons escarpés
le temps de vivre
l’errance qui déshabille les nues
et apprivoise des pages endormies
par delà des rêves sans créneaux
la faille blanche
fulmine dans l’azur
et devient une source claire
pour mes heures graves
puisque je n’ai de vivre que l’instant
de ma conversion à l’universel
j’offre au doux visage de la vie
mon arabesque à diapason
mon miroir boréal
aura de l’être transfiguré
par tant d’odyssées
à perte d’ennui
j’offre sur l’écueil de mes réveils
mes corridors entrelacés
dans la luxure des spasmes
et des épaves nés de l’indifférence
je ne peux ignorer
le langage de la paix
avec les mots passion d’un petit matin
ce qui reste en moi d’humain
un coeur qui lutte
pour vivre au clair de lune
bohémien des grandes errances
qui déclare invaincu
le sourire du mendiant
que personne ne regarde dans la foule
et qui retombe dans l'horreur de l'inconnu
qui déclare invaincu
le grand amour
complice des passerelles bénis
et d’une larme entre deux fleurs sauvages
citadelle de l’eau des aimés
au solstice des étreintes
passionné du mot juste
pour que l’idéal ne soit jamais nommé argent
où le rêve chimère…
un cœur bénin
dans la douleur d'être
figurant d’une planète rebelle
cautionne le regard d’un passant
qui prend en photo une ronde d'enfants
 
dont les pierres parlent des mots d'innocence
héros de bande dessinée
dans la condition d'être
et du babillage collectif
en adepte des grands départs
je déclare le droit à l’incandescence
par delà les chemins des lucarnes
dans l’intensité de mon regard étiolé
de pétales sylvestres
et dans l’aiguillon de l’oubli
la joie d'être un autre
dans un monde réinventé
j’ai la bouche béante
du délire des vents montagneux
et de l'encre des algues marins,
j’ai la tête en ébullition
lourde de vivre
pour que l'amour ne cesse son feu follet
sur mon espace auroral
j’ai les doigts raidis
de la torpeur des années
 
fermentés dans la violence du désir
qui perle dans les fougères
aux violets des prairies
 
KAMAL BENKIRANE
 
Kamal Benkirane est né au Maroc en 1970, il réside et travaille à Montréal.(Les ormes diaphanes) est son premier recueil de poèmes édité aux éditions Fleur de Lys.Il est membre associé de l'union des écrivains du Québec, Il est le fondateur de l'association culturelle Passerelle
 
 
 
 
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