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MANDRAGORE
Son corps de porphyre glacé s'offre à moi dans la pose lascive des photos que l'on se montre sous le manteau.
J'abandonne un regard perceptif d'acceptation.
Ses bras humides et froids se tendent dans un avide appel.
Des idées aliénantes se prennent à mes filets.
Ses yeux mouillés de soumission et dont les hauts sourcils accentuent la détresse, m'invitent en une supplique muette.
Je produis des émotions contradictoires.
Ses lèvres minces et exsangues alternent la moue du baiser et la crispation de tous les échecs.
Je veux être un mouton noir.
Sa position foetale repousse son sexe en un endroit inaccessible et ses jambes bien serrées contrarient l'offre.
Ma blessure se réveille et produit la souffrance.
Elle reptile vers moi dans une brusque détente et pose sur ma peau une griffe hostile.
Je me ferme au monde.
L'attouchement se précise, quelques doigts rêches passent en revue rapide mon épiderme.
Je donne de la continuité à mon déplaisir.
A cet instant, mon être se contracte comme une carline se referme à la pluie.
Je ne veux plus de cette violence qui veut que j'aime ce corps qui ne s'aime pas.
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LACHEZ-MOI.
Lâchez-moi !
Lâchez-moi !
Mais lâchez-moi !
Non pas les deux pieds parallèles, encrés en terre, comme le paysan entre en possession.
Non pas les jambes fléchies, anticipant la houle, comme le marin sur son bateau.
Non pas à genoux ou accroupi, écrasé par la houille au fond de la mine.
Non pas couché, vautré dans le lit de l'inutile.
Non pas arrondi, penché sur l'ouvrage, consciencieux, besogneux.
Non plus assis, avachi dans le fauteuil des responsabilités.
Et surtout pas le dos courbé, complaisant et obséquieux, serviteur d'obscures vanités.
Non, lâchez-moi !
N'agitez pas vos mains de papillons noirs.
Laissez au fond de votre gorge votre compassion.
Ne tendez plus vos bras de sémaphore.
N'exposez pas mes enfants comme on étend des reproches à sécher.
Abandonnez mes promesses dans les puits de l'oubli
Ne criez pas vos noms comme des maillons dont on tisse une chaîne.
Ne pleurez pas le mien, chaque goutte me peine.
Qu'ai-je à faire de vos amicaux souvenirs ? De vos conseils en forme de béquille.
De vos apaisantes semelles de plomb ?
Lâchez-moi !
Lâchez-moi !
Un pied devant l'autre.
Droit.
Le regard au-delà des étoiles.
Les bras écartés, tendus.
Mains ouvertes, paumes vers le ciel.
Le sexe dressé comme une proue de navire.
Seul, sur mon fil.
Je marcherai.
Un pied devant l'autre.
Et si un jour, le temps m'est favorable.
Si le ciel est clément.
La chance douce.
Les augures propices.
Si le portant s'engouffre sous mes bras.
Vent debout.
Harmattan.
Alors, je quitterai mon fil.
Je m'élèverai lentement,
soutenu par mes désirs.
Je planerai sur mes doutes.
Et, aussi sûrement que mes certitudes sont évolutives,
Alors, alors...
Je volerai.
JEAN-CLAUDE CAILLETTE
Jean-Claude Caillette anime un émission littéraire hebdomadaire "Le lire et le dire" à la radio Fréquence Paris Plurielle
106.3 .
Un roman concernant les rapports amoureux sur les sites de rencontres "Net plus ultra" édité chez "Le
Manuscrit".
Un recueil de 80 poèmes "Anamorphoses" suivi de "Palinodies" édité chez "Le Manuscrit" .
Un recueil de nouvelles "Histoires profanes" à paraître. (Janvier 2008) .
Une autobiographie fictive imagée à base de publicités détournées.
(recherche d'éditeur) .
Peintures à l'huile.
Dernières oeuvres : collages et pastels gras. Jean-Claude Caillette prépare une exposition pour le printemps 2008
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