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Atefah Rajabi Sahhaleh
Etre Iranienne. Avoir seize ans.
Pas eu le temps, sauf quelques pas,
Une porte qu’elle voulait ouvrir.
Pour vivre, quelques pas.
Le regard échangé serait la première clef qui tourne,
L’ouverture d’un baiser,
Une chambre amoureusement.
*
Le juge a rugi.
Sera pendue et très haut, d’une grue pour bien détacher de la terre. C’est
parfait.
C’est quelque chose qu’on voudrait montrer à Dieu.
Dieu n’est jamais là. Pas besoin.
Il ne dit rien à une fille qui se débat
- si furieuse qu’elle crie, criant aussi.
*
Calmement bougent une corde, une grue, un ciel s’écartant toujours plus.
Qu’ils le fassent,
Un baiser est d’une lenteur plus haute.
Plus la mort commence, plus c’est la vérité seulement
Qui caresse le cœur.
Une jeune fille qui se balance,
La mort a lieu en-dessous.
FABLES
Tu as ramené ici une petite chatte.
Parfois elle court pour disparaître,
Pas sûre que la vie
La tient dans sa main.
D’un bond, et le reflet de la balle
S’échappe de la balle.
Qui joue vraiment joue à côté.
Un tout petit visage surgit
Même les yeux clos,
Et le monde nous en jette,
En jette par milliers.
Les rues sont profondément dehors, toutes,
Quand le silence des chats n’est que solitude.
Je tremble si je ne t’avais pas.
Les mots, les phrases, cela rassure les incertains.
Ces algues bougent à la surface mais sont tenues
Où on ne voit rien.
La chatte me regarde pour que je sache :
« Tu es là ou tu n’es pas là ? »
Marie ne doit ni bouger ni fermer les yeux.
Valérie commence le portrait de sa fille.
Maintenant le bateau sent que son ancre s’enfonce :
Marie doit se tenir au bord sans faire tomber
D’elle – un visage
Comme l’eau qui rend l’eau plus haute et la corde là-dessous ondoyante.
Travailler assez délicatement l’attache du cou, ne pas trahir sa fragilité en la raidissant.
Ne pas abîmer les yeux.
Rejoindre la stupeur de vivre.
*
Sentant les larmes monter,
Valérie le regarde à l’envers
Ce tableau où l’on tremble bien mieux
Que soi dans le miroir.
Le tableau pourrait être la mort donnée par maladresse,
Il faut le savoir quand on a le pinceau dans la main
Et travailler encore pour donner de sa vie.
Ecrire est moins brûlant même quand c’est lent,
De face ou de dos
Les mots ne voient personne.
J’en prends un pour en éclairer un autre.
Parfois un prénom, jamais un visage
(Quand j’écris je suis dans la pièce à côté).
*
Valérie cherche le point exact où elle serait plus en face
Qu’en vrai.
C’est un couloir tout droit, incroyablement,
Après le silence c’est encore quelqu’un.
D’abord alourdis les enfants
Remontent sans se réveiller.
Moins tendu le fil, le flot l’égare,
Les épaules se sont dégagées, demeurent souples.
Les enfants qui dorment se soulèvent tout seuls
N’attendant pas qu’on les prenne, sauf le jour.
ARIANE DREYFUS
extrait de iris, c'est votre bleu,
Editions Le Castor Astral
mars 2008.
Ariane Dreyfus, née le octobre 1958, vit et enseigne en région parisienne.
RECUEILS :
- L’amour I, aux Editions De,1993.
- Un visage effacé, aux Editions Tarabuste, 1995.
- Les miettes de Décembre, au Dé Bleu, 1997.
- La durée des plantes, aux Editions Tarabuste, 1998 et, pour l’édition revue et corrigée, 2007
- Une histoire passera ici, aux Editions Flammarion, 1999.
- Quelques branches vivantes, aux Editions Flammarion, 2001.
- Les compagnies silencieuses, aux Editions Flammarion, 2001.
- La belle vitesse, au Dé Bleu, collection « Le farfadet bleu », 2002.
- La bouche de quelqu’un, aux Editions Tarabuste, 2003.
- L’inhabitable, aux Editions Flammarion, 2006.
- Iris, c’est votre bleu, aux Editions Le Castor Astral ( mars 2008)
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