LE CAPITAL DES MOTS n°4- Février 2008- Charlélie Couture
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Grand poème politique
Je voudrais m'enfuir. Bientôt ce sera mon tour.
Les huissiers se recoiffent, ils retournent leur veste, Le soleil va s'éteindre,
Les représailles des prêtres explosifs de Sumer me serrent le ventre.
Une chaleur dorée descend sur l’hiver. C’est le soir.
Ma plus belle œuvre est froissée dans un panier grand comme un volcan.
J'ai fait la queue toute la journée. Les chiens nus avaient soif.
Les cafards s'emmêlaient les pinceaux quand j’ai le dos tourné.
On fantasme sur le grand nettoyage, comme si toutes les cartes étaient soudain redistribuées.
Moi aussi un jour, j'aurai ma chance, je n'en veux à personne.
Je n’en veux qu’à mon double, je lui en veux de m’avoir doublé.
Il est allé trop vite, et il m’a laissé sur le bord de l’avenue sans même un regard.
Parti faire ses courses, il m’a abandonné.
On se perd en conjectures entre les rangées d’ordures archivées.
On est loin du rivage et la coque du rafiot prend l'eau au milieu des cris.
On a peur des voyous, c’est normal, ils sont de plus en plus cruels,
De plus en plus violents, ils n’ont rien à perdre, sinon ce qu’ils ne gagneront pas.
Alors ils tuent sans réfléchir, ou ils torturent à plaisir.
Ils n’ont pas le temps de vivre, car ils sont trop pressés.
On ne vaut pas mieux qu'eux.
On ne vaut que la viande des veaux que l’on mange.
Les armées rentrent d’Irak, back home la queue entre les jambes.
Et l’Amérique a mal, elle panse ses blessures et maîtrise les médias.
Les actualités pèsent lourd sur le terrain et rien dans les consciences
Les larmes des veuves font rouiller les plateaux mouillés.
Encore un attentat : le pare brise d'une BMW vole en éclat devant la gare.
Faits-divers désabusés, on souffre de ne plus être aimé.
On entend les sirènes le chant des sirènes et des militaires casqués
Les fusils chargés, Les flics et les pompiers tanguent dans leurs véhicules sur le bitume défoncé
Les draps souillés. le cœur disloqué, les avocats font du cinéma,
Pace-maker déconnecté, les producteurs ne répondent plus au courrier
Les pensées creusées à la gouge et les refrains masturbés
On se ressemble tous quand on se rassemble
Chômeurs anesthésiés, bricoleurs maladroits chacun vise le gros lot,
Tout le monde est suspect, tout est dangereux car TOUT est profit.
Chacun doute de sa place, chacun refuse son niveau.
Les chanteurs ruinés changent de chaussures
Les bouchers halal se curent les orteils,
Un charcutier protégé par l'ordre des médecins affûte à nouveau son scalpel,
Il déclare qu'il va recommencer à opérer,
En précisant que « les chirurgiens plastique radiographient l'âme des filles ».
Un jeteur de sort est condamné en dépit de sa naïveté,
Les incendiaires se prennent pour des sorciers,
Les élus s'assoient sur leur étiquette et se perdent en conjectures
Les Autrichiens camouflent leur passé
Assis pattes écartées sur un coussin rouge, un grand Electeur se fait tailler une pipe
Par sa secrétaire dans un couloir du Parlement
Les sénateurs aux mines patibulaires exercent la morale comme une défense passive,
Sous la mine de crayon des caricaturistes pour articles jetables.
La dernière torpille a fait sauter le blindage de la frégate du président.
La chanteuse a ensorcelé la bête. Si ça capote, ça sera la honte !
Tu comprends ce que ça veut dire le Pouvoir ?
Maintenant tu comprends comment ça peut rendre fou.
Il faut se fier à la Petite Ourse et se liguer pour comprendre ce qui se passe,
Il faut se prendre pour un Iroquois ou un Mohican,
Il faut que le bateau dérive, il faut que ce soit vrai
Il faut se rouler par terre, et tout essayer.
Avouer ses pêchés, comparer sa peau à celle des Suédois
Couler un bronze doré pour la Liberté d'opinion,
Croire en Dieu avant de miser sur l'or,
Dormir par vengeance et écrire pour elle mille poèmes en proses,
Fumer les derniers saumons
Partager par amour le temps qui passe et se glisser dans le chas d’une aiguille,
Faire un geste pour la Paix, fermer les yeux trop tard,
Poser des alarmes, payer ses dettes, pousser le verrou,
Acheter des hormones de sportifs
Récupérer ses billes pour séduire une fille,
Prendre peur en regardant la carte des glaciers,
Il ne fait même plus assez froid en hiver pour qu’on parle de l’hiver.
Suivre les chemins à l'envers, le canoë sur les épaules, (les marins suivent le cap)
Retourner les rivières de parfum à l’eau de rose,
Il faut trouver une solution pour remettre à l’eau ce baleineau couché sur le ventre,
L'horizon s'ankylose au-dessus de l’Océan magnifique.
Les méduses restent loin
Un jour ce sera la guerre de l’eau,
Oui, la guerre de l’eau pour l’au-delà.
Il n'est pas de pire honteux que celui qui se plaint.
Qui s'appuie sur une canne?
Qui cause?
Qui pose?
Qui ose?
J’imagine le masque défait et la peau détendue de ce gars qu’on enterrera demain,
J’imagine la petite poupée de porcelaine froide que tu tenais entre les mains,
J'imagine ceux qui ont écrit ces feuillets destinés au grand public,
Pigistes aux yeux fatigués, sous leurs visages plissés, l
Passions en cylindre pour les fans de dragsters aux directions assistées,
Dissertations complaisantes ou rebelles pour satisfaire un rédacteur,
Papiers écrits au crayon (de papier) qui s’effacent sous la gomme du « Pomme X »
Jeux de mots et ultimes bitures de journaliste.
Tu me demandes encore si j’ai eu un jour envie du pouvoir?
Moi? enfin je veux dire « nous » ? non, non. Génération nan nan.
Ma boussole est cassée
J’ai la conscience en vrac.
CharlElie
New York
Décembre 2007
CHARLELIE COUTURE
On ne présente plus Charlélie Couture. Charlélie Couture est auteur, compositeur, interprète, chanteur, peintre, sculpteur, photographe et
écrivain. De nombreux albums de chansons dont entre autres « Poèmes Rock »(1981, Island Records), « Quoi faire » (1982,Island
Records ),« Crocodile » (1983, Island Records), « Art & Scalp » (1984,Island Records), « Solo boys » (1986, Emi), « Solo girls »(1988,
Emi), « Victoria Spirit » (1991,Emi), « Les Naïves » (1994 ,Emi), « New Yorcoeur » (2006,Wagram)…
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