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( Sélection de textes )
Dans le consentement des choses au temps qui passe
ma barque glisse entre les roseaux du soir
et j'assiste enfin à l'envol des passereaux
mais la brume se fait fumée
et les dissimule à mon regard
Quand plus tard baisse la fièvre du jour
les ramures se taisent après le vent
et deviennent le refuge d'un peuple muet
Moment de grâce pour la nuit de mes mots qui cherchent ton visage
consolante sève de ma vie sans toi
Voyelles en larmes sans tes poèmes
et mortes sont tes consonnes que tu écris sans elles
Tes mots têtes cassées de ton mutisme en guerre
Le silence tel la rançon de la liberté
Des règles désertées ne reste que le vide
Retrouve la parole avec l'esclavage
Recolle enfin la mosaïque
de tes syllabes en miettes
Emotion en tesselles
Morceaux devenus phrases
Ta beauté renaîtra
L’ivresse – mes vers s’y livraient -
s’évaporait en nuages du temps
Me voici muette seule sans vie
Mais je préfère enfant terrible d’une génération soumise
le silence la solitude la mort
plutôt qu’une vie sobre – respect
de la grammaire des rimes et du bon rythme
Je compterai mes syllabes
comme l’ivrogne les gouttes
au fond de sa bouteille
Rien n’apaisera ma soif d’écrire
Je tituberai sur mes vers
Pour renaître saoule de vie
Ta poésie nouvelle-née se voudrait enfant boiteuse
vêtue d’étonnement
Tu la com-prends dans tes promenades
où tu cueilles ruines-de-Rome et saxifrages
pour l’herbier de tes vers
Ferme en rentrant ta porte
au déjà-vu des choses
Ta surprise - souviens-toi- à chaque tournant des routes
Ne bouge pas de ton seuil
prêt à repartir
laisse sécher ces fleurs
Retrouve au départ de tes mots
ton écriture lustrale
Tu conduis pour moi ton poème-oiseau
( rappelle-toi l'escadrille de Malraux
dans le ciel noir d’Espagne )
Ses ailes s’ébrouent dans le blanc de ta page
Les cordes de ta lyre
forment ce tableau de bord
que j’effleure de mes doigts
Nos mots seront des bombes pour nos révolutions
Otages de tes angoisses
poèmes pèlerins aux sources de la liberté
qui violent le silence
marié à ta musique
- ton réveil exalté enfin sous la glycine
et de tes mots la houle qui fait vibrer tes vers -
J'aime quand tes yeux rayonnent dans l'échancrure du ciel
Miracle de mon alphabet:
l'oméga violet du Poète
l'i grec de tes yeux irisés
J'ai aimé ces temps incertains
où même en ton absence
chaque lettre comblait ma solitude
Reste maintenant ton epsilon
au clavier des voyelles
Vois-tu là d'où tu es
ma vie recommencée?
J'enlève au verbe v ivre
son initiale
et verse ici le vin souvenir d'une vigne de mots
Les figures du temps se déplacent
au fur et à mesure de tes pas
elles échappent au désir de ta main
tes doigts happent le vide
bouche frustrée
mots à créer sans cesse
pour écrire la présence
la présence inlassable en toi
des pensées et des choses
des choses pour combler l’absence
tes images t’offriront les heures les plus vivantes
Paroles si blanches
reflet de ton absence
Paroles si impures
et silence rompu
Paroles de pierre
de ton passé perdu
mais
Paroles d'eau
de ton présent précaire
puis
Paroles paisibles
du jour où tu peux te relire
pour voir luire des étoiles
dans le froid de ta nuit
Née en 1952, je vis à Fontenay-sous-bois et, certifiée de Lettres Classiques, enseigne à Paris.
Marquée par l'oeuvre et la personnalité de Jean Cocteau, j'ai fait ma maîtrise sur le Visible et l'Invisible dans son oeuvre. Mon DEA, ensuite, a porté sur la théorie moderne de la création.
Ecrivaine de l'ombre, j'ai souvent repris l'étude et l'écriture mais sans jamais publier. Ainsi de 1997 à 2004 ai-je écrit trois romans et un recueil de nouvelles après avoir laissé en friche un certain nombre de poèmes et de chansons ( paroles et musique ).
La poésie semble bien mon mode privilégié d'expression car j'ai toujours recherché la concision et l'ellipse à la limite du silence.
Elle représente aussi pour moi mise à distance et don à l'autre comme on peut l'entendre dans les titres de mes deux recueils: Lyre en double ( 2007, 80 p. ) et Odyssée en double ( inachevé, env. 100 p. )