Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS n°10- Septembre/Octobre 2008- Isabelle Grosse-

Publié par LE CAPITAL DES MOTS ( revue de poésie) sur 3 Septembre 2008, 23:03pm

Catégories : #poèmes

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Mon grand-père connaît la musique

 

 

Mon grand-père connaît la musique

Il est musicien il joue du violon et de l’accordéon

Au bal le samedi il fait danser les gens.

 

 

Mon grand-père connaît la musique

Le tango le paso et puis la valse aussi

Tous les samedis.

 

 

Un beau jour de mars mon grand-père est pris

On l’a trahi

Avec d’autres on l’emmène loin là-bas très loin

On les entasse tous dans des baraques en bois où il fait froid où il fait triste où il fait faim

C’est à la mort à la vie

 

 

Mon grand-père comme les autres

Il n’a pas choisi d’être ici pourtant il est chez l’ennemi

Dans les baraques il y a les autres la famille les amis et il y a lui

Ce sera à la mort à la vie

 

 

Mon grand père connaît la musique c’est un bon musicien

L’ennemi est mélomane.

 

 

Mon grand-père est musicien il est jeune il joue bien

L’ennemi le sait

L’ennemi veut un spectacle

Un beau spectacle musical

 

 

L’ennemi organise des représentations

De grandes représentations gratuites et publiques

Publiques et obligatoires

 

 

L’ennemi choisit

L’ennemi trie

L’ennemi veut un spectacle un vrai

Un spectacle mémorable

Un spectacle à la vie à la mort

 

 

Mon grand-père est musicien

Il joue pour ses amis

Spiel spiel, Doch doch, Spiel encore

 

 

L’ennemi veut un spectacle mémorable

Il place ses amis face à mon grand-père

Spiel spiel, Doch doch, Spiel encore

 

 

Dans le froid des petits matins gris la musique retentit

Jusque dans les baraquements et les corps des amis tombent

Suspendus aux cordes

Face à mon grand-père Spiel Spiel

L’ennemi applaudit

L’ennemi en redemande Doch Doch

A la vie à la mort

 

 

Mon grand-père était musicien

Il jouait du violon.

 

 

**

 

 

je suis née un mois 2. Article 2. La liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui. i lettre 3. dans les voyelles Article 3. L’égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. L’égalité n’admet aucune distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoir. je suis née un jour 7. Article 7. Ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché. Nul ne peut être contraint de faire ce qu’elle n’ordonne pas 8 lettres dans mon prénom. Article 8. Nul ne peut être appelé en justice, accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. i lettre 9 dans l’alphabet. Article 9. Ceux qui sollicitent, expédient, signent, exécutent ou font exécuter des actes arbitraires, sont coupables et doivent être punis.

 

 

 

 

 

6 lettres dans mon nom

2 pareilles

4 différentes

le G de grogner

le R des re belles

le O du nonosse

les S des nazis

et le E de l’air

6 lettres dans mon nom

six

 

 

 

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Gaaaaaaaaarrrdavou [de vous à moi : pour le lieutenant y demeurant]

j’ai pas volé ni violé pas tué pas trafiqué pas assassiné pas dealé pas trucidé pas torturé pas truandé pas détourné rien

garde à vue pourtant

gare gare gare à vous madame la caaage madame la caaage clong clong sac et bijoux confisqués si si c’est comme ça ici fouillée fouiner

numérotée datée face clac profil clic 3/4 profil clic clac et un doigt deux doigts trois doigts du pouce à la paume imprimés sur cerfa

pieds nus plaquée au mur mesurée pile poil

et mes dents monsieur vous les regardez pas mes dents ? pourtant là-bas

et mes cheveux monsieur vous les gardez pas mes cheveux ? pourtant là-bas

pas volé pas tué pas trafiqué pas assassiné pas dealé pas trucidé personne et pourtant                            terrorisée                              gaaaaaaaaare à vous !

 

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L’homme des bois est un trou

L’homme trou boit

Il n’existe pas

 

L’homme trou boit ne se remplit pas

Jamais

Jamais assez

Toujours encore

 

L’homme trou est vide et sans fond

Tombe empeste et tempête sur le canapé

Ronflements imbibés de l’homme des bois tombé là assoiffé

 

L’homme trou boit

 

L’homme trou ne se remplit jamais

Il boit toujours

Il boit depuis toujours

Se réveille assoiffé se couche assoiffé tombe assoiffé et rêve qu’il boit

 

L’homme des bois est un trou

Il n’existe pas.

 

 

ISABELLE GROSSE

 

 

née en 1966, vit à Niort (France). A publié "nina" aux éditions un-état-d'esprit et des textes poétiques dans les revues Liqueur 44 , N4728, Casse~pieds et Locomotif (Québec).

 

 

 

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