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"Cap-à-Ferret..."
Cette nuit-là, j'ai erré à vau-l'eau le long
des syrtes d'Arcachon.
J'étais à bord d'un canoë. À moteur;
et à rames. Sans voiles...
J'ai ramé.
Et j'ai ramé, à tire-d'aile, jusqu'aux écueils
au-delà... Cap-à-Ferret.
J'étais fou. Ivre d'exil et d'écume, j'étais,
ce soir, le nocher du Styx.
Quand j'ai accosté.
Sur l'autre rive. Il y avait, à l'entour,
d'étranges arbres nés de l'eau-de-mer, où
s'accrochaient algues et huitres.
Et j'ai frôlé la grève, à contre-courant,
voguant à la seule lueur d'une lanterne...
Mon harpon, à mon flanc.
J'attrapais çà et là, en mes rets, d'oublieux
rayons de Lune...
À ce moment précis, je l'ai entendue. Sa voix,
d'abord, aux échos d'outre-Terre. Et puis l'harmonie
de son instrument, éthéré, à sept cordes pincées.
Harpe d'Ëole.
Chantait-elle à mi-mot.
À l'aide d'un très fin peigne nacrescent, son ménechme
près d'elle était en train de lisser ses ineffables cheveux
bleuâtres, ce soir;
Syrène...
À côté d'Elle, seyaient d'autres créatures. Il y en
avait trois, ou quatre: je ne sais plus. Laissez-moi.
Qui soupiraient autour de sa Harpe, à elle. Eternelles.
Anadyomène.
Mais...
Entre les arbres-de-mer, ce soir, j'avançai. Je me glissai
dans la nuit naissante, vers mes belles naïades...
À ma vue, soudain, celle au peigne de nacre émit un cri
cristallin, et fuit. Dans l'eau verte.
J'harponnai.
L'Autre.
Et ses soeurs, dans un mouvement d'effroi et de
panique, s'éclipsèrent instantanément à la suite
de la première.
J'eus vite fait d'échouer l'embarcation sur la grève,
avec hâte. Quittai l'esquif...
Elle gisait.
Ma Syrène.
Et le sang affluait, à longs flots, de sa poitrine
d'ébène...
J'arrachai son coeur.
Alors, j'attachai sa queue inerte, squamée d'écailles
ophidiennes, à la poupe du canoë.
Puis j'allai. À la dérive.
JOACHIM ZEMMOUR
Il se présente :
Je m'appelle Joachim Zemmour, j'ai 21 ans, et je suis originaire de Bordeaux. J'ai collaboré à la revue "Le Bord de l'Eau" de ma région, et je suis actuellement publié par "Le Journal Littéraire". Mes passions sont la poésie, l'Angleterre, et la traduction. Je suis d'ailleurs étudiant en "Master of Arts in Translation" à l'University of the West of England, à Bristol, au Royaume-Uni. J'aime écrire des poèmes, mais j'aime aussi les traduire parfois. C'est ce que j'ai fait avec "Ode à Champagne", que j'ai originellement composée en français, avant de la traduire en anglais. Ce poème bilingue m'a valu une distinction lors du William Faulkner Writing Contest, aux Etats-Unis, en 2006.
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