Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS- FABRICE FARRE

Publié par ERIC DUBOIS sur 1 Septembre 2011, 17:28pm

Catégories : #poèmes

Un jour

 

 

J’avais dormi sur les carrés de paille

sans savoir que le lendemain on

passerait les ramasser.

Celle qui me réveilla

avait des cheveux

que le soleil lui enviait.

Elle sentait le lait. Dans mon

dictionnaire intérieur elle devait

être maternelle mais distante, prompte

à donner un amour qui dure, conduit

par le cuivre électrique de ses mèches mêlées.

 

De chez toi

 

Le train n’explique pas les distances,

il les parcourt. Non loin des rails

tu peins les visages du jour

avec ceux des voyageurs. Entre les murs

jaunes gagnés par un soleil de tabac doré

tu imagines quels sont les wagons de

demain – Ceux d’aujourd’hui,

ceux de demain, dis-je. – Alors,

tu as pris le train de la vie

ou le dernier wagon.

 

Insomniaque

 

Tu lisais des poèmes

sans craindre

que l’heure s’écorne.

Les ruelles mouillées

étaient bonnes pour attendre.

Tu tournais les pages,

dans les ruelles

les balayeurs se chargeaient

d’évacuer points, virgules,

parenthèses et autre halte.

Le premier bus lancé qui passait

promettait d’être bondé

de visages et de mots nouveaux.

 

Habanera

 

Le temps passait au bout

des cigares. Dans la ruelle

étranglée jouaient leurs ombres.

L’avenue San Vincente s’encombrait

des couleurs du prisme humain.

Mais ici le temps passait peu.

Une Habanera n’aurait jamais

fait bouger leurs flancs.

Le temps brûlait.

Dans l’heure tardive

les couleurs fondaient la nuit

et les yeux des cigares

se fixaient. Elles riaient sans compter

tout comme on vit, coiffées

de leurs bigoudis importés.

 

Montlhéry

 

Toute la nuit, nous avions

fumé des cigares

et notre gorge brûlait.

Au fond de la maison

phosphorescents, tremblants, nous

attrapions la moindre idée

de notre proche fin et l’hiver

entrait par les murs.

 

Futur

 

Je n’entends pas ce que tu dis,

l’impossible sans doute.

Je ne touche jamais à

cette limite que tu décris

avec les mots quotidiens.

Pouvons-nous nous y rendre aussi aisément,

là-bas ?

Nous avons le désert à traverser de toi à moi

des haltes à faire pour dénouer nos silences

respiratoires.

Il y a ce que nous

sommes sur le point d’être, et pour y parvenir

nous misons certes sur

cette lointaine frontière. Nous sommes un but

non un lieu que tu pensais donner

avec les mots quotidiens.

 


180 degrés

 

 

 

Du tarmac on voit voler les avions

et le ciel geindre lumineux de ses échardes.

Du ciel on voit ce que nous sommes, alors

confondus à la poussière du tarmac.

 

Dessin

 

Je trace une arabesque

songe à l’Alhambra

où nous avons séjourné

avec un guide signalé

comme étant de l’espèce

parasite et que nous avons

croisé sur notre route

soucieux en bons touristes

de parler à autrui dans

la langue du pays dans

la monnaie du pays

qui a permis au guide

de manger gratuitement.

Je comprends maintenant

le dessin tortueux des pierres gravées

au-dessus des arcades qui encerclent

les bassins d’eau verte, mais je n’ai pas

la grâce des piliers saisis par un soleil soufi.

 

 

 

FABRICE FARRE

 

 

************************

 

 

 

 

Fabrice Farre est né le 7 novembre 1966, à Saint-Etienne où il est aujourd’hui fonctionnaire d’Etat. Il a consacré une thèse à la poésie contemporaine (Lettres et civilisations étrangères), et traduit les poètes tels que Lorca, Montale… Ses textes paraissent pour la première fois dans l’ex revue stéphanoise Aires(numéros 10 et 12). Ce n’est qu’en 2009 qu’il envoie à la revue Incertain Regard de nouveaux textes qui seront édités dans le numéro 0. On le retrouve, ensuite, sur les sites littéraires : Ecrits…Vains ? (avril 2011), Francopolis , Les états civils (n°8), Libelle(n°224), Voxpoesi (juin et juillet 2011), Incertain Regard(3), SymPoésieum, puis dans les revues : Pyro(Editions Le Grand incendie , n°26-27 ), Filigranes (80), Microbe(67, pour septembre), Décharge et Verso (fin 2011), Microbe (69, janvier2012). Il crée son propre blog – http://fabrice.farre.over-blog.com– afin de présenter son travail et d’accueillir ses nombreuses lectures, aussi bien françaises qu’étrangères.

 

 

 

 

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