Dégoût
La scissure de la nectarine ordinaire
L’ennui plongé de l’homme valétudinaire
Qui déteste les gens car ils sont malheureux
Qui vitupère
Les escarres qui s’émiettent dans la panière
La moue les simagrées de l’autre sans manière
Qui déteste les gens car ils sont malheureux
Qui vitupère
La mérétricule entre l’agneau le dessert
Le guillochis des cils l’impuissance du cerf
Qui déteste les gens car ils sont malheureux
Qui vitupère
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Énergumène
Il habite à Paris. Au fond d’une cour au rez-de-chaussée. Une sorte de petit jardin encaissé. Une espèce de potager en friche, ombragé par un bouleau blanc jamais émondé. Bois dormant maladif entre des murs décrépits que sillonnent de profondes lézardes, où de grandes plantes épiphytes attachent leurs griffes. Vous passez d’abord devant la guérite d’une concierge yougoslave qui défrise ses rouflaquettes con délicatezza.Ensuitela lumière vacillante d’un lamparo, à travers les vitres sales d’une fenêtre à meneaux entr’ouverte, et des roulements de tambours comme à l’ouverture d’une Bachianas Brasileiras. Sous la sonnette on peut lire : « Lino&Lino, sociologue, herboriste, apiculteur, chef d’orchestre, gynécologue et pêcheur à la mouche. Essuyez-vous le lichen au tapis de raphia ci-dessous. Et mouchez-vous ! »
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Tumulte
Tu recevais insouciant
Le tumulte de ses flots de vie
Makach walou
Hurlait-elle
Lorsque nous préparions des barbecues l’été
Du mois doux
C’est elle qui retournait les chipolatas
L’ivrognesse avait un nez rouge de clown
Une bouée de sauvetage
À sa taille de contrebasse
Elle était un peu voyante sur les bords
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Servitude
Mauvaise année !
Les rates bouffées par les doryphores
Ils pourront toujours les donner aux cochons
Dans la vie
Tout n’est qu’une histoire de bitoniau
Un temps pour tout
Un tout pourtant
Tu m’aimes dit ? Tu m’aimes ?
Enrayée la moissonneuse battante !
Bon grain
Mal grain
Comme la crénelure du ventre à la naissance
La vie quadrillée
Partout les corps
À la lisière de l’obtempérance
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Divertissement
Rire
Bal masqué
Dans un appartement de la rue Jacob
Cette jeune femme en almée
Et ce jeune homme en janissaire
S’entretiennent de l’existence
Rire
Dans le salon
(Lui aussi masqué par un moucharabié)
On tente d’être
Le plus crédiblement crépu
Rire
Sous le regard interloqué du soldat
Ottoman
Elle croque un macaron
Et lui explique en trépignant
Qu’elle aime commencer la vie par le dessert
Rire
Rire
Rire
GUILLAUME DECOURT
Vingt-cinq ans. Poète et pianiste.
Publications :
Poésie: « La Termitière » (avec une préface de Frédéric Musso), collection Polder, éditions Décharge/Gros Texte, 2011
Publications en revues :
« L’Atelier du roman » n°66 (éditions Flammarion) ; « Borborygmes » n°19 ; « Dissonances » n°20 ; « Décharge » n°152 (et Itinéraire de Délestage n° 302) ; « L’Autobus » n° 3 et n°5 ; « RAL,M » n° 70 ; « Traction- Brabant » n°40 et n°44 ; « Mgversion2datura » n°69 (avec traduction anglaise) ; « Coaltar » n°juin 2011 et novembre 2011 ; « Microbe » n°66 et n°70 ; « La Passe » n°13 ; « Les cahiers d’Adèle » n°8 ; « Nouveaux Délits » n°41 ; « Cairns » n°10 ;