Ô mon ange, mon tout, mon autre moi-même,
mutilé meurtri
jusqu’aux abîmes incertains du sommeil,
je pose sur ton visage mes mains
et ces murmures d’ombres
qu’aucun soleil ne dissipe,
l’amertume à mes lèvres
toujours plus furieuse…
Je pose sur ton visage invincible
qui m’environne
mes mains amoureuses ;
visage infini
révélation de lumière
et d’énergie,
vous qui enseignez aux yeux rebelles
le prix de la beauté et le goût
des larmes
vous êtes mon corps.
Ô musique,
habite-moi toi qui dors
sous les océans
éternelle dans la splendeur
des passions,
enseigne-moi l’étreinte secrète
le parler cosmique enseigne-moi
la joie de ne pas regretter
ce pas que je fais
contre les ténèbres !
Enseigne-moi le geste de l’aurore
qui guérit la fièvre nocturne à mes tempes !
Je quitte tout espoir pour le pays
d’avant la fêlure,
je fais taire cette ombre qui me dévore
dans l’émotion démesurée des mots
et des notes.
Dieu sauvage, beauté promise
aux ouvriers de la grâce,
que vos mains aimantes encore
se posent sur ce visage ignoré
qui veille pour sceller l’alliance.
Je marcherai
les yeux brûlés par le sel des larmes
la mémoire saturée de musique
qu’une muse aveugle aiguise.
Cet empire des ombres
que le soir affronte
pour perdre
inlassablement
revient hanter
mon corps meurtri.
Mes mains ont plongé dans cette nuit
sans fin,
ce mauvais travail
de l’obscurité
qui brise l’élan des horizons
et ferme les fenêtres de l’intuition.
Faudrait-il que le monde gagnât
en éclat
pour naître aux oreilles oublieuses
sonore et insoucieux !
Frémir, c’est témoigner. Témoins,
le musicien et les parfums délivrent
le mystère
de l’omission :
l’émotion rendue à son vrai visage !
(la clarté rend visible
ce qui prend forme sur les collines
de l’enfance,
ce qui prend forme
silencieusement
derrière les sillons transparents des nuages
à nos yeux délivrés
de toute pesanteur
Tu aimes cette plage là-bas qui sommeille
et qui t’échappe toujours.
Et ce vent dont s’enveloppent nos sourdes pensées
ce vent qui déchire les étoffes fragiles
des mers.
Vois et entends – toujours
la voix de Dieu que Job
dans sa souffrance glorieuse
laisse passer comme la lumière du premier
jour
Je veux n’être que
l’instrument du monde
par lequel s’exprime
l’indicible.
Par un patient assemblage
de mots découvrir le visage
qui mûrit dans les années.
Entends la musique
tant de sons dans les branches, les ressacs
qui cherche son corps à travers les feuillages
les yeux qui brillent au fond des eaux.
Tu aimes ces images qui se tapissent
dans les plis de ta mémoire
et allument l’esprit.
A l’approche amoureuse de ton regard
le cœur joyeux
dans l’espace jaillit
sables d’ailleurs - terre translucide
et ce couteau pourtant dans ce même cœur
qui l’ouvre aux rumeurs des parfums
et le ferme)
THOMAS PONTILLO