Le petit matin
sent la plume la laine le chant du merle
la ritournelle des colombes.
Tout se joue dans la verdure
avec les dorures du soleil et les palpitations des feuilles.
C’est l’éveil,
l’assurance d’une longue journée de canicule,
l’âge des connivences et des petites morsures.
Mais le matin est lisse comme l’eau, comme la peau…
*
En cheminant le long du sang
j’ai quelques échos d’orages
Je sais bien
tu pourrais être nue
couleur d’océan
couleur de sable
couleur de forêt au lointain
tu pourrais être celle qui ne cesse de chanter
malgré la nuit venue
celle au cœur palpitant
Je sais bien tout est possible
sauf le temps qui passe
et ronge même la roche
*
Osiris
au bord du fleuve
me parle
et je l’entends à peine
Sa voix bruisse entre les roseaux
Pourtant je suis heureux de l’entendre
et je suis prêt
pour un grand voyage
qui dis-tu
est au-delà du temps
lorsque soudain tout se resserre
et devient absolu
*
Où sont passées les perles du collier ? La bleue que j’aime par-dessus tout, la verte qui me parle des torrents, la jaune telle le soleil du matin, la blanche comme une rose, la rose dont je ne veux rien savoir, la violette qui se promène les jours de grand vent, la rouge qui disparaît dans les villes interdites, les transparentes qui sont aussi les plus cruelles et toutes les autres qui formaient un si beau collier.
*
Les oiseaux m’accompagnent. Ils peuplent les grandes étendues de l’imaginaire, mes pays de naissance. Ils sont toujours là où je suis et entretiennent mon dialogue avec la terre.
J’ai toujours un chant de colombe dans la tête. Je sais les malices des moinaudes et je ne puis oublier ce rossignol qui, du haut de son grand pin, m’observe tout l’été. Que ferais-je d’un monde sans oiseaux ?
*
Les chatons dorés sont venus durant la nuit dans l’entrelacs des branches et la gorge des épines dire le souffle tiède revenu. On aperçoit dans la neige les sentiers secrets sur le flanc des montagnes ouvertes aux quatre vents. Il pleut encore malgré tout sur les terres basses et l’on s’étonne d’y voir Mai et Septembre se tenir la main en dansant pour la saison nouvelle, pour des récoltes ambrées, pour le sucre au bord des lèvres et quelques reflets de flammes dans les yeux.
*
Elle avait le nez piqueté comme un œuf. Ses seins aussi et elle riait de se savoir convoitée, comme on convoite une colline rouge où poussent des prunes sucrées. Sa main dans ma main ne pesait pas plus lourd qu’un oiseau et elle faisait semblant de tout savoir.
Etait-ce dans un livre ? Etait-ce hier ? Etait-ce dans une autre vie et pourquoi pas demain ?
*
Qu’est-ce qui pousse ainsi les oiseaux au bord des toits sous le ciel gris ? La simple tristesse d’être le soir venu ? De n’avoir plus de rouge plus de bleu dans la tête ? De n’être plus aussi léger ? Est-ce le silence ou ce souffle palpable qui entoure la nudité ? Ou le trop grand bruit de la déroute et de la chasse ? Est-ce encore ce cri nocturne qui fait battre tous les affolements ? Nul ne le sait mais l’on s’en étonne toujours autant.
*
Je me promène en pensée dans un paysage de lagunes grises. Des flamants au loin tracent une ligne rose qui sépare deux imaginaires. Les arbres au dessus ont des mines sombres et bourrues étonnamment cruelles. J’essaie de retrouver l’odeur iodée du vent et les idées qui vont avec. Dans mes traces se forment des lèvres ourlées de sel. Il y a une mouette dans le ciel en guise de mémoire. Je continue ma promenade.
*
Le vent remue les volets. Qu’a-t-il à me dire ? Est-ce un simple murmure venu de très loin, le signe d’une autre vie ? Est-il fille, est-il garçon ? Et pourquoi s’attarde-t-il ici ce jour le vent ? Il essaie peut-être de me dire les voyages à venir, les sourires à partager, les cerises à croquer sous les dents. Pourtant rien de tout cela ne semble l’intéresser et il hurle maintenant comme pour me dire qu’il est furieux que je ne le comprenne pas.
*
Je n’irai jamais à Samarcande
Pourtant j’en ai tant rêvé
Et j’ai suivi
l’espace scintillant entre ciel et terre
le long chemin de soie
Au-delà de la vie et de la loi de renaître meilleur
J’ai suivi ce juste rayon de poussière
Et de poésie
Qui va tout droit
Vers l’arche bleue.
*
Un jour nouveau et un nouveau reflet : le vent est toujours là. Il me parle des falaises de mes îles Atlantique, des couchers de soleil les jours de tempête et des îles fantômes dans les nuages. Il me parle du silence et du désert qui germent en moi comme une source, d’un sourire amical dans une rue d’Assouan. Il me parle encore et toujours du tapis d’orchidées dans ma prairie et de l’odeur entêtante des lilas de Bretagne. De tout ce qui ne finit jamais.
Extraits de" Les mots de la lune ronde", inédit
MICHEL COSEM
Michel Cosem assigne à la poésie un rôle essentiel dans la vie : elle permet de mieux comprendre le monde qui nous entoure, de mieux le voir et de lui donner des couleurs aussi. De mieux en partager la beauté aussi.
Chaque poème est un petit univers où brille notre imaginaire.
Il a fondé Encres Vives à la fois revue et éditions, près de mille titres au catalogue. Il y publie régulièrement ses carnets de voyages poétiques vers les pays du sud. Il a été traduit en de nombreuses langues.
Il est l’auteur de nombreux recueils de poèmes ( Rougerie, L’Amourier, L’harmattan), d’anthologies de poésie (Seghers, Gallimard, Milan), de livres pour la jeunesse (Le Rocher, Tertium, Le Seuil) et de romans pour adultes.
Il a obtenu en poésie les prix Artaud et Malrieu pour l’ensemble de son œuvre.
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"Le Berger des pierres" , roman de Michel Cosem
vient de paraître (Mai 2015) aux Editions Lucien Souny.
Vous pouvez vous procurer ce livre auprès de Michel Cosem
(2 Allée des Allobroges/ 31770 Colomiers)
20€ avec le port.