Trois répétitions
1
A la mémoire de Charles Cros
Le souffle chaud du soleil
Inonde l’horizon mort ;
Haletants dès le réveil
Nous cherchons un nouveau port.
Les financiers, à bon compte
Pillent un petit pays,
Mais nous partons et sans honte
Nous perdre dans notre Nuit
On peut s’abreuver de bière
Ici ou là, toujours boire
Comme si toujours on espère.
On se console à les voir
Ces femmes, croisées le soir
Si semblables au vent d’hier.
2
Le sourire du matin
de l’été qui s’éveille
cache dans le silence
du sommeil de l’abeille
des hommes qui ensemencent
les épandages assassins
la machine qui s’emballe
et le pied sur les freins
des villes irrespirables
où les colères s’écrasent.
Je ne sais comment te dire
Que les choses ont une fin
Les meilleures comme les pires
C’est bien là notre destin.
3
Demain tombera la Nuit
et nous irons voir, Sirène
l’étoile morte d’ici,
sans pleurs, sans joie et sans haine.
Et je suis seul en ces jours
qui s’enfoncent si semblables
aux mensonges et aux tours
de ces écrans pitoyables.
C’est la fin de tout l’homme abandonne
car qui s’en va qui s’en va
dans le néant, pour personne
tout est foutu il s’en va.
Le 22 juillet
à Eric Dubois
Poète!
Egaré volontaire,
réaliste de l'illusion,
magicien de fortune,
tu cherches l'ailleurs ici,
tu cherches plus loin en toi ce qui est près de toi,
tu puises aux sources vives de ta mémoire
les secrets de l'éveil du printemps,
tu puises aux sources de l'enfance,
aux sources de toute désespérance,
car artiste,
y a t-il poésie sans enfance?
y a t-il poésie sans errance
et l'errance de nos vingt ans?
Et disait l'ami Philippe
quand on a vingt ans,
c'est pour la vie
alors,
enfant
dans un corps d'homme,
éternel ébloui,
connaisseur de la vie,
aventurier de fortune,
sous un rayon de lune,
hors piste,
hors les murs,
hors toi-même aussi,
dans
l'angoisse essentielle qui domine,
dans
les soubresauts de la pensée qui s'agite,
dans
les méandres des amours détruites,
dans
le marasme de la pensée qui veille,
dans
la recomposition de l'homme frénétique,
buveur d'ombre,
buveur d'encre,
buveur d'aube,
danse avec ton feu,
danse avec tes mots,
danse avec l’eau qui dort,
tu ne laisseras pas la mort
Maîtresse de si peu
un certain non-lieu,
avoir le dernier mot.
Nashtir Togitichi
Juillet 2015
NASHTIR TOGITICHI
Nashtir Togitichi, la cinquantaine, psychologue de profession, vit à Paris. Lit et écrit de la poésie pour vivre, un peu comme d’autres feraient de la méditation.
Publications sur le net : dans « Capital des mots » d’Eric Dubois et « Francopolis ».
A paraître chez Edilivre, vers fin août début septembre : Si tout se casse la gueule, précédé de Contraintes du temps. Ce recueil concerne les marges d’une vie, ces marges qui, comme les marges d’un cahier, font tenir un ensemble. D’une certaine façon s’il est « poésie de circonstance », ce recueil part du plus singulier, pour venir accompagner les coups mortels donnés à la biosphère et contre lesquels la poésie ne peut rien.