SOLITAIRE ET CONTEMPLATIF
Ohé ! le vide étoilé qui nous tourne le dos ! O univers ! toi qui as grand soif d'amour, considère-moi comme ton ami !
Petit à petit, le paradis perdu qu'est le jour finissant s'est vidé de sa poudre d'or. L'âme humaine a-t-elle été chassée de ce décor de verdure suite à une faute ? Décidément l'homme est indigne de lui-même. Et ici, à part moi, il n'y a personne d'autre ! En tout cas la journée a été sacrifiée par le Tout-Puissant sur l'autel du temps qui passe, aux grillons chantants et à la bouche secrète et mystérieuse de la rumeur publique lointaine, et ce, afin que la lumière irradie une fois de plus au petit matin.
Je découvre alors la délicate primevère évanouie dans les fougères et sous la charpente de châtaignier de la forêt. Des rayons de lune se baignent dans la rivière qui, de toutes ses forces, trace son chemin au-delà de la plaine inondée. Une nouvelle Inde se trouverait par miracle quelque part dans l'immensité de ce ciel, où des voyages se préparent et où maints fossiles brillants s'étalent, que cela n'étonnerait nullement le commun des mortels. C'est autour d'une oasis d'astres qu'un désert s'étend indéfiniment depuis toujours, où Dieu vit au beau milieu d'un jardin de lustres suspendus au plafond d'encre de Chine...
D'une couche d'ombre inerte et si le matin s'éveillait garni de mie d'or dans sa croûte magmatique? Observant sous les platanes les taches d'or du levant recouvrant la place du village, le poète que je suis sait que l'aube ressentie est au coeur de tous les départs...
***
COEUR DE NUIT
Ce soir la riche étoile me regarde et me jette un charme, émerveillant ma vision du réel ; je creuse du noir d'où la création jaillit.
La véloce pipistrelle tournaillant follement tout autour du cerisier aux fruits mûrs, le lièvre gardien du trésor du parc et le hérisson fouineur aux pattes de velours dans la masse d'herbe presque grise se manifestent quand le spectacle de la fonte du jour s'achève dans le ciel sans fond, sans vie...
Quand les branches des arbres s'accrochent à la nuit, comme par magie, des cloches de cristal semblent tinter parmi elles. Dans une mer de feuillages brassés par le vent qui se lève, on brise des perles, lorsque l'ultime rayon du soir, côté cour, revivifie les plumes ternies du vieux chat-huant.
Mais le spectacle se déroule aussi sous les globes de feu du grand boulevard, avec son Hercule promeneur et sa vierge mutine à la soif d'amour inassouvie qui se promènent bras dessus bras dessous.
Soudain des poulies d'agate descendent d'astres errants les rêves à demi oubliés de la nuit précédente. Un splendide théâtre aérien aux décors articulés, où des comédiens se meuvent quand se lève le rideau pour que commence le spectacle, a jeté son ancre couverte de fluorines bleues, roses ou pourpres, dans les rameaux d'or du taillis. Sous des frises exiguës et des lustres chamarrés à l'haleine brûlante, on chante sur une musique savante, depuis le sommet de cette grande tour qui monte dans les cieux, jusqu'à la clôture de l'ancienne fonderie à la porte monumentale.
O les anémones blotties sous le vieil hangar colossal aux poutres massives, sur lesquelles des myriades de chandelles pleurent des écoulements de larmes incandescentes quand le matin s'agite!
JEAN LUCQ
Il se présente :