Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - GABRIEL HENRY

Publié par LE CAPITAL DES MOTS sur 28 Septembre 2016, 16:24pm

Catégories : #poèmes

 

 

Gouffre

 

 

Le bruit de l'arbre que l'on abat est absent de la mer.

Elle a enfoui leurs cris. Je ne sais rien d'eux. Ils sont calmes. Ils ne pèsent rien sur nos nuits. L'époque les a pétris en oiseaux, pris dans la sève stérile du silence.

Je n'ai rien à dire aux vagues à cet instant, et elles ne me parlent pas. Elles charrient les plaies d'une autre race qu'elles et ça n'est pas leur histoire.

Je ne peux pas dénombrer les poings fermés sur le vide. Des corps auxquels manque l'ombre des danseurs. L'autopsie révélera dans la gorge de chacun un arbre de sa terre, calciné. Les bras le long du corps, face au miroir, je cherche si nous avons dans le ventre des usines aveuglées de suie, je demande si c'était notre souffle de dormeurs sur les départs de feu.

 

 

 

***

 

 

Synthèse

 

 

Face aux heures amoncelées sur la ville

unie et close

il pense aux plantes quand elles deviennent des palais intimidants

et finissent par ne plus répondre

il pense aux ciels qu'il n'a pas touchés

saturés d'escadrons de myrrhe, de résine

aux fruits comme des avaries solaires, prêts d'éclater

les taches de cobalt sur la carte

ce sont sans doute les larmes du peintre

la vie s'est chargée de les vitrifier

il redessine deux corps

dans l'air instable

deux corps emmiellés

tombés sans hâte

entraînés par la lumière dans une danse hermétique

deux corps comme des criques amères

deux corps

dans la course suave de leur floraison

hymne brûlé

 

 

***

 

 

 

Sans titre

 

 

Jardin pièces d’eau meurtris

pont rompu

le bel animal est à terre

nos chirurgies ont glissé sur les eaux frustes du songe

comme les insurgés, adossés au mur encore brûlant,

nous avons regardé sans crainte monter cette mer fidèle

bâillon sur nos plaies

nous avons déterré sa poitrine secourable

quelques heures

avant les ors cruels de l’aube

avant que le sel ne floute à demi cette grande carcasse

la grande marche dans la chambre d’échos

les rues sont noires de doléances

petit enfant petit oiseau brûlé

quelques heures

et le jour hissé, drapeau sans couleur sur les nouveaux champs d’esclaves.

Nos chirurgies ont passé le parapet

creusant crevant le théorème

infiniment précis

infiniment logique

qu’ils avaient glué pour nous

je tombais tombais tombais

dans leurs écrans de contrôle

mon corps brillait comme une lame chercheuse

 

***

 

 

Trajectoires

 

 

Des citrons ont chu et roulé loin des lueurs maternelles

les herbes absurdes de la ville

lacérées

fouettées

une vie enclose, doublement couturée

quelque part une plaie dissimulée aspire le ciel

il se change en rapides et ne donne plus de pain

une vie de camp

quelques grains d'une autre terre sous les ongles

des yeux milliers surnagent la crue pour voir ce qui leur est volé

les oiseaux dessinent une cosmologie de traverse

vaine

est-ce que tu vois comme les haleines se cognent et se blessent

protons neutrons et tous leurs frères et sœurs rendus fous

langues coupées de leurs bougainvilliers

la pierraille dans la bouche

la boue dans les veines

rien ne pousse que des arbres de fièvre

derrière le mur

les automobiles racontent une histoire de prédateur

et sur le versant bâillonné des enfants se débattent dans les cordages


 

***

 

 

 

Parallèles

 

 

Comment rallier la chair

comme on ouvre un pain

quand les armes changent de main

elles qui glissent et glisseront sur le décor

quand l'envers de nos fruits sont des grenades incendiaires

j'ai entendu hurler

mais je n'ai pas bougé

j'ai entendu hurler

la rue se tordait comme un serpent blessé

bords coupants

entre les cris, tous ces ongles griffaient nos murs

nous dormons là-haut, dans nos criques

enfants, mères et pères embrassent les cendres et l'huile de nos heures usinées

en contrebas

nous les foulons

chaque jour est un soc affreux

et cette nuit encore

le silence qui a suivi était si dur

une pluie de pierre

à nos pieds

 

 

GABRIEL HENRY

 

Il se présente :

 

Gabriel Henry

Né en 1986, il vit et travaille à Paris.

Ses blogs-carnets d'écriture : www.lorageaupoing.blogspot.com, http://gabrielhenry-poesie.tumblr.com et https://www.facebook.com/gabrielhenryauteur.

 

 

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