Encore
Si le ciel s’affranchissait des nuages
Ou le désert de son sable, au dénuement
Je n’aurais rien à enseigner ; or c’est moi qui suis vide,
Cœur de gouffre et machine impatiente,
Invocateur de la vie rouge, élogieux pour les fous
Et injurieux pour les hommes qui tremblotent.
J’appelle à la fureur, aux fééries du feu,
Aux arcs-en-ciel multipliés, aux concerts sur la falaise
Mais le silence est leur réponse et me voilà
À quêter la braise humaine, en exhortant
Et clamant, poussant vers la mer ma barque,
Ordonnant clairvoyance à l’ivresse et ivresse à la clairvoyance,
Interpelant les chiens, les poissons, les montagnes ;
J’espère aussi que la poussière
S’indignera, que les enfants pleureront
Pour des tambours,
Que la foule entonnera un poème insurgé,
Je prie pour une pluie de lumière, un hymne
Scandé de rue en rue, de ville en ville, heureux et abrupt
Mais autour de moi, tout murmure et s’enfuit.
Qui me remplira ? Qui me donnera raison
Lorsque je hurle ? Au fond de quel regard
Se reflètera ma soif ? Qui dans un amour de vertige
Me parlera ? Qui lancera la symphonie des brèches
Et l’écume enflammée ?
***
Éclipse
Ces quelques mots
Avant la grande ombre
Oui elle passera
À peine plus qu’une marche en forêt
Elle sera ce que tu en dis
Puissante mais brève
Une zébrure
Un ondoiement du temps
Après
Nous retournerons à nos habitudes
À notre usage du jour
Après nous dînerons
Le pain les fruits sont frais
Mais je ne peux cacher
Tu la sens cette peur
Qui monte en moi
À l’instant où le soleil
S’absente
***
Stèle
Si la mort était un exil,
Il ne survivrait pas
En moi, son visage
Aurait le profil de l’oubli,
Sa voix s’entendrait moins qu’un soupir de fantôme,
Pour linceul l’absence
Le couvrirait comme une paix sans mémoire,
Il résiderait invisible
Mais il est ici, pas de voyage
Ni de présence qui s’efface
Immuable pour ceux qui le pleurent
Il a fait de moi son sillon
Et mes yeux le trouvent
Partout.
GABRIEL ZIMMERMANN
Il se présente :
Né en 1979, Gabriel Zimmermann vit à Paris. Ses poèmes sont publiés dans plusieurs revues (Europe, Les hommes sans épaules, Inuits dans la jungle, Le capital des mots, Recours au poème, Traversées, Décharge, Lichen, Neiges, Nouveaux Délits, Poésie2001, Libelle). Son premier recueil, La soif et le sillon, est à paraître au printemps 2017 aux éditions Tarabuste. Il a aussi écrit un livre de nouvelles, Une dizaine de femmes, édité chez Édilivre. Enfin, il tient un blog, Ceci n’est pas un blog soporifique sur la littérature, qui contient des récits et des chroniques sur la société contemporaine.