Présence
I
Dans ce paysage à l'âme
De granite, chercher l'éclat
Discret et perçant du mica
Te rapproche de cette flèche
Qui perfore d'un trait les mille plis
Du plateau de bruyères
Jusqu'aux combes aux étangs
Façonnés par les hommes.
II
Marche au fossé humide
Le temps d'oublier le chemin
Trop souvent emprunté
Et caresse l'envers des ombelles
Bourdonnantes des carottes sauvages.
Ton pas humide dans les
Chiendents couverts de rosée
Te mènera peut-être
Aux rigoles noires
Des combes à carex,
Où tenter de te perdre
Dans la tourbe-mémoire
Des héritages renouvelés.
III
Sur ce sentier intime
Hors le pas des hommes
Tes larmes au vent froid
Roulent rondes et pleines
Et s'évadent pour rejoindre
Les laîches acides
Qui pleurent aussi
Une eau pauvre et siliceuse.
Elle alourdit leurs tiges et les fait
Luire au premier rayon,
Le décomposant en couleurs fugitives.
Tu contemples ces prismes innombrables
Qui brillent innocemment
Dans le champ inculte
Puis fermes les yeux.
Sous tes paupières closes
Tu voudrais voir palpiter
Les secrets de son dénuement.
IV
Au fond de la combe
La mare noire grossie
Des pluies d'automne
Se nourrit du temps
Qui dévale en rus chantants.
Elle découpe des rives de sphaignes
Envahies de joncs jaunes
Dont la houppe fragile
De fruits durs se détache
Et roule entre tes doigts.
L'eau humique
Ridule discrètement
Autour de tes chevilles engourdies
Au rythme de tes frissons.
Tu cueilles des petits galets dorés
Et froids, que tu espères témoins
De ta présence vaine.
Les avant-bras perchoirs étonnés
De libellules rouges et bleues,
Tu saisis ton étrangeté
Et, affligé, te rêves chevreuil
Sans rancœur ni tristesse
Buvant à cette source qui t'ignore.
V
Quelle douleur que cette présence
Bavarde, débordant de souvenirs
Et d'espoirs,
Incapable de silence vrai
Alors que l'archer des criquets s'éveille
Et que l'air tiédi s'anime de syrphes.
Tes méditations ne font de toi
Qu'un creux immobile dans le pré
Alors que tu veux voleter de corolle en corolle !
Explorer les terriers les plus profonds !
Te glisser sous l'écorce épaisse des chênes !
Battre de ton aile le nuage de pollen des sapins verts !
Ne pas être vide mais plein,
Plein de cet inaccessible
Qui gorge les plis du paysage,
Rencontres fertiles du monde inerte
Et des herbes modestes
Avec le hasard.
REMOUX
Il se présente :
Pierre Gondran dit Remoux, né le 29 août 1970 à Limoges, Parisien d'adoption, formé en biologie, je me sens poète sur le tard : pourquoi pas ?