Les rêves de Paris
Sables du lointain. Le rêve déclos des banlieues
Et des tours m'emprisonne en ces hautes chapelles
Que l'on peut voir de mon balcon à Marx Dormoy,
Dressant leur silhouette nue, ouvrant de larges ailes
Sur les no man's land du sommeil de Clignancourt
Et je me plais à imaginer ces faubourgs
Qui n'étaient que campagne au temps des plus anciens rois,
Cette même aube allumée dans le ciel montmartrois
Qui d'un poudroiement d'or sur le moutonnement
Sans fin de la vague des toits fuse et file au loin
Vers les forts de Bretagne et les derniers prés de France
Jusqu'à la mer dormant sous l'écume du visible,
La mer que pour un peu j'entendrais battre à mes tempes
***
La banlieue parisienne a des airs de Monet
Quand s'évanouit au loin le pâturage des toits...
Alors, la rouille des péniches et les soleils
Déteints venus mourir vers le canal revêtent
La grisaille des eaux d'une couche éphémère,
Intermittente, d'or pâle, et l'heure profonde
Se suspend aux reflets du bel après-midi
Prêt à s'allonger entre la pluie et l'éclaircie,
Aux racines des jours qui se perdent en moi,
Et toujours ma pensée est ailleurs, vers ces villes-
Miroirs, ces lieux dont je n'ai pas la moindre idée,
Qui empruntent ton corps, ta langue et ton visage,
Dans la fraîcheur de l'herbe, aux abords de la parole.
***
Musique matinale, un piano fait ses gammes
A la fenêtre, un peu d'août est tombé vers l'automne.
Dans la cour de l'immeuble esseulée, il n'est personne
Pour écouter les sons qui pourtant brillent dans l'air
Comme une étoile inaperçue illuminant
L'espace vide autour d'elle pour des yeux absents
Ainsi l'éternité de ce jour brille en son lieu
Déjà plein de projets humains, de rumeurs lointaines,
De vies accumulées en des cités souveraines,
Et le ciel de cet unique instant d'où je vous parle,
Qui peu à peu se peuple de cris, de roulements
D'autobus, de toute une mer qui gronde au-dehors,
Se remplit d'un bonheur sans consistance ni corps...
MIGUEL COELHO
Il se présente :
Miguel Coelho est né en 1973. Il enseigne la philosophie en région parisienne et mène en parallèle une activité de pianiste improvisateur, en lien, notamment, avec l'association Le Capital des Mots et le poète Éric Dubois. Certains de ses poèmes ont été publiés en revue (Paysages écrits, Traversées, Recours au Poème... ).
A publié "Quasi-haïkus" aux éditions Unicité, 2018.