Le marcheur indifférent
Silence dans les yeux
comme si l’ombre dessinait
l’absence
ou l’excès
fou
qui annule toute parole
tout sens.
Le marcheur d’aurore
ne ressemble pas à mes nuits.
Lui
se grise d’aube
et cherche l’illusion des chemins
pour
capturer un hasard de solitude
et
rejoindre
peut-être rejoindre
l’apparente rencontre
d’autrui.
Pour lui
juste l’herbe coupée
parfume le réel,
mais
pas le sel de peau
mais
loin la rive marine.
Pour ce terrien
aux rêves blancs
les neutres silences,
semences de fausses oraisons tranquilles.
Or le monde crie
quand des poètes emprisonnés propulsent le vivant
en flammes d’abolition.
Le marcheur indifférent
n’a pas croisé Valjean
ni le fouet de la faim, jugé deux mois.
Il ne saura pas dire les plaintes
ni lire le lointain.
Bon air bon pied
peut-être n’écrit-il que sur le goût des fleurs.
S’il écrit.
Ce marcheur indifférent prépare doucement sa mort
physique
et
sa mort éthique.
***
Feu
Vertige seul
qui
seconde après seconde
décompose la lenteur de l’instant
en étincelles de densité.
Aurore boréale intérieure
dans l’incandescence
des sédiments
du souffle.
Juste le regard.
Rien d’autre
que l’espace de l’œil
à cela qui est.
Un horizon de silence.
Rien d’autre.
De qui est-ce le film ?
Où est le pont ?
Loin des braises succulentes de l’instant serein
un fil de conscience
déchire l’espace et le temps.
Feu attendant le réveil.
***
Quand je veux caractériser ce qu’est la création pour moi (écriture ou photographie) je reprends le concept du duende, feu créatif pensé par l’Andalousie gitane et (magnifiquement) par Lorca. Mais écrire est aussi un vécu de tension entre deux bords extrêmes, en « touchant les deux à la fois » (affirme Pascal, et rappelle Camus, comme éthique d’exigence d’être). Pouvoir dire la colère « contre », au plus fort de l’implication. Contre le pire qui soumet autrui et tous, assumer le cri et le poing métaphorique, soi écrivant comme corps foule. Présence intense au monde tel qu’il est (laideur et beauté). Et, horizon inverse, ménager l’espace du possible métaphysique, dire le temps de ce vide nu d’une conscience autre, celle du mystère intérieur.
D’un côté cette question de Jean-Marie Blas de Roblès : « Mais à quoi sert l’écrit s’il ne dénonce ? / Le verbe s’il ne hurle ? ».
De l’autre celle-ci, d’Henri Michaux : « Qu’est-ce que tu es, nuit sombre au-dedans d’une pierre ? »
MARIE-CLAUDE SAN JUAN
Elle se présente :
Écriture et photographie (depuis toujours).
Blogueuse (Trames nomades) : droits humains, art, poésie, spiritualité.
Formation littéraire (DEA de littérature comparée). Et Master de sophrologie caycédienne. Culture métisse (Espagne andalouse, Afrique du Nord, France provençale…).
Animation d’ateliers d’écriture, création visuelle, et lecture d’image.
Publication en revues, de 2007 à 2019 : Mémoire plurielle, The Dissident, À L’Index, Babel heureuse, Les Cahiers du Sens.
(Antérieurement articles théoriques, méthodologiques, pédagogiques.)
2008 et 2018, recueils miniaturisés de fragments poétiques (pré#carré éditeur).
Photographie, livre en préparation.
BLOG : http://tramesnomades.hautetfort.com
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