Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - MARIE-CLAUDE SAN JUAN

Publié par Le Capital des Mots sur 23 Juin 2019, 09:27am

Catégories : #poèmes, #articles - articles critiques, #photos

Le marcheur indifférent

 

 

Silence dans les yeux

comme si l’ombre dessinait

l’absence

ou l’excès

fou

qui annule toute parole

tout sens.

 

Le marcheur d’aurore

ne ressemble pas à mes nuits.

Lui

se grise d’aube

et cherche l’illusion des chemins

pour

capturer un hasard de solitude

et

rejoindre

peut-être rejoindre

l’apparente rencontre

d’autrui.

 

Pour lui

juste l’herbe coupée

parfume le réel,

mais

pas le sel de peau

mais

loin la rive marine.

Pour ce terrien

aux rêves blancs

les neutres silences,

semences de fausses oraisons tranquilles.

 

Or le monde crie

quand des poètes emprisonnés propulsent le vivant

en flammes d’abolition.

Le marcheur indifférent

n’a pas croisé Valjean

ni le fouet de la faim, jugé deux mois.

 

Il ne saura pas dire les plaintes

ni lire le lointain.

Bon air bon pied

peut-être n’écrit-il que sur le goût des fleurs.

S’il écrit.

Ce marcheur indifférent prépare doucement sa mort

physique

et

sa mort éthique.

 

***

 

Feu

 

 

Vertige seul

qui

seconde après seconde

décompose la lenteur de l’instant

en étincelles de densité.

 

Aurore boréale intérieure

dans l’incandescence

des sédiments

du souffle.

 

Juste le regard.

 

Rien d’autre

que l’espace de l’œil

à cela qui est.

 

Un horizon de silence.

Rien d’autre.

 

De qui est-ce le film ?

Où est le pont ?

Loin des braises succulentes de l’instant serein

un fil de conscience

déchire l’espace et le temps.

Feu attendant le réveil.

 

***

 

Quand je veux caractériser ce qu’est la création pour moi (écriture ou photographie) je reprends le concept du duende, feu créatif pensé par l’Andalousie gitane et (magnifiquement) par Lorca. Mais écrire est aussi un vécu de tension entre deux bords extrêmes, en « touchant les deux à la fois » (affirme Pascal, et rappelle Camus, comme éthique d’exigence d’être). Pouvoir dire la colère « contre », au plus fort de l’implication. Contre le pire qui soumet autrui et tous, assumer le cri et le poing métaphorique, soi écrivant comme corps foule. Présence intense au monde tel qu’il est (laideur et beauté). Et, horizon inverse, ménager l’espace du possible métaphysique, dire le temps de ce vide nu d’une conscience autre, celle du mystère intérieur.

D’un côté cette question de Jean-Marie Blas de Roblès : « Mais à quoi sert l’écrit s’il ne dénonce ? / Le verbe s’il ne hurle ? ».

De l’autre celle-ci, d’Henri Michaux : « Qu’est-ce que tu es, nuit sombre au-dedans d’une pierre ? »

 

 

MARIE-CLAUDE SAN JUAN 

 

Elle se présente : 

 

 

Écriture et photographie (depuis toujours).

Blogueuse (Trames nomades) : droits humains, art, poésie, spiritualité.

Formation littéraire (DEA de littérature comparée). Et Master de sophrologie caycédienne. Culture métisse (Espagne andalouse, Afrique du Nord, France provençale…).

Animation d’ateliers d’écriture, création visuelle, et lecture d’image.

Publication en revues, de 2007 à 2019 : Mémoire plurielle, The Dissident, À L’Index, Babel heureuse, Les Cahiers du Sens.

(Antérieurement articles théoriques, méthodologiques, pédagogiques.)

2008 et 2018, recueils miniaturisés de fragments poétiques (pré#carré éditeur).

Photographie, livre en préparation.

BLOG : http://tramesnomades.hautetfort.com

 

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© Marie-Claude San Juan - DR

© Marie-Claude San Juan - DR

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