Au détour des mots échangés
la fatigue d’un long périple à travers les épines du monde
les morsures du serpent la logorrhée des hommes
une paix intérieure appare sous les cicatrices
***
Ses mots sont désormais économes
Il dit plus avec les yeux
Entretient la roublardise des réponses
Comme on joue encore et toujours
Avec le dé de la destinée
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Edgar dit qu’il a tout écrit
de ce qu’il souhaitait écrire
que l’encrier est à présent vide
non par pénurie
mais par satiété
L’insatiable épuisé après corps à corps avec les mots
***
Le visage d’Edgar éprouve une certaine lassitude
Il respire bruyamment
et s’en retourne en ses songes
Lorsque je lui rappelle combien l’espoir
et l’humour noir sont les béquilles de son œuvre
son regard transperce le mien
s’enfuit très loin froisse tous ses brouillons
ricane comme une bruine tiède
relie l’Ukraine à New York
franchit les monts d’Ararat et d’Aragats
puis s’élève au-dessus de nous
fumée d’un calumet
ultime pensée éprouvant sa liberté
L’éternité en une poignée de secondes
Puis revient vers moi un sourire malicieux
qui se confond avec la moue de l’enfant
Il pense que je n’ai rien vu
***
Bronsky nous instruit
A quand l’incendie des leurres
Edgar rit sous cape
***
C’est bien à Lyon en 50 que l’incendie commença
un crayon si bien affûté qu’il crissait
sur le papier
feuilles vierges
posées à même le marbre des tables du bistrot
Si agile à force de frotter dans le vide
des mois et des mois durant
Un jour à Lyon la peine d’être au monde
la douleur de l’impuissance
brûlèrent en quelques phrases
Le temps d’un éclair un embrasement jubilatoire
Nuit naissait en plein jour
d’un trop plein de lave
Edgar s’en souvient comme d’hier
simple ruisseau à franchir
d’un bond de cabri joyeux
soixante-dix ans plus tard
***
Lui qui souffle l’imprévisible à l’oreille de ses personnages
qui tremble de ne savoir quand achever
se tait à présent
sonde le silence dans les conversations
science nouvelle comme grâce de l’au revoir
LAURENT MAINDON
Il se présente :
Laurent Maindon est metteur en scène et auteur par passion, fils de peintre en bâtiment et de caissière. Il a fondé et dirige à Nantes le Théâtre du Rictus, compagnie de théâtre conventionnée, depuis 1996 et défend tout particulièrement les écritures dramatiques contemporaines.
En tant qu’auteur, il a publié plusieurs ouvrages de poésie (dont récemment au Zaporogue Lettres intimes, Chroniques berlinoises, Soudain les saisons s’affolent, La Mélancolie des Carpathes qui formaient la tétralogie Les chemins du désir) et quelques nouvelles et récits (récemment La collection, Voivodina Tour, Par delà les collines…). Il collabore avec les Editions du Zaporogue, Leaky boot press et a publié également dans différentes revues (Le Zaporogue, Terre à ciel, Revue des Ressources, Ancrages.ca, Nagyvilag, Uj Forras).