Le calme avant l'aube
L'arbre frissonne dans la nuit ;
L'éclairage urbain défie la lune de lui survivre mais elle lui tient la dragée haute ;
Le goudron des rues, tels des fleuves de lave durcie et rétractée, scintille sobrement ;
L'imagination remplace la réalité dès qu'elle fait défaut, autant dire toujours ;
Le silence s'impose à mon esprit comme conclusion pertinente à chaque pensée ;
Les haies emprisonnent l'obscurité en leurs profonds réseaux de probabilités ;
La réalité pousse l'imagination contre les murs des villes fantômes et les piédestaux des statues utopistes ;
L'aube laisse la nuit en haillons, avant d’éparpiller ses loques dans les jardins névrosés des riches villas disciplinées.
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Méli-mélo de saison
Parce que les erreurs donnent un sens à nos vies, et que les beaux automnes ont les pieds dans la boue et les dorures pourries (et tandis que le fil des souvenirs me brode des motifs d'insatisfaction), je regarde le passé se changer en Minotaure.
Parce que les roses ne lisent pas Ronsard et que l'hiver réduit le silence à sa plus simple expression (une ébauche de souffle) ceux de mes sonnets les plus prompts à éclore dépendent pour l'essentiel de la neige indolore et des buées diluées dans leurs propres larmes.
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Lieu de vie
Ma banlieue n'en finit pas de rester banlieue, grincheuse sous la pluie, bourrue sous les nuages, hargneuse au soleil. Ma banlieue n'en finit pas de me tirer sa gueule de prosaïque réalité ; même avec ses pavillons tape-à-l’œil et ses jardinets m'as-tu-vu, ma banlieue n'en finit pas de passer inaperçue.
Les chats errants s'y battent la nuit pour des motifs vitaux, les habitants s'y épient le jour pour des motifs futiles. La grisaille éternelle pénètre jusqu'en leurs cœurs fleuris les printemps trop sensibles.
On vit dans ma banlieue faute de mieux, comme une raide concession à la nécessité; c''est le choix par défaut des gens sans qualités.
MARIE-ANNE BRUCH
Elle se présente :