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DARSHAN.
Il arrive de temps en temps
que l’étreinte de l’infini
se resserre autour de mon corps,
de ma chair soudain
écrasée.
Trop de vide, trop de vent. Trop
d’espace muet qui
circule.
Trop de ciel. Trop de galaxies.
Trop d’étendues noires
sans fonds
et trop de silence à l’affût
de ma chair recroquevillée.
Je perds
la respiration,
je me tasse et je sens passer
le vertige vertigineux,
spiral
qui plonge en mes lézardes.
Comme Pascal, je plie je ploie
sous ce métaphysique assaut
le souffle descend
sur ma peau
appel d’air sombre, destructeur
et sans mesure qui me fait
claquer des quenottes, éperdue.
Je tente en vain de m’ébrouer –
rude est le grand coup de tabac
qui me réduit presque à l’état
de grain, de point
microscopique !
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02/05/2008.
P.Laranco.
GANGUE.
Je cherche refuge en la profondeur du monde,
dans les rêves baroques, oppressantes foisons ;
peut-être…fuir ma superficialité
qui ne me permet que de secouer
mes ailes,
que de les écouter, de les sentir
vrombir,
maintenir en suspens
l’onde que je suis.
Il arrive qu’on verse du sel sur les plaies.
Je ne crois jamais au mensonge de l’instant
ni à l’à-peine-ébauche aiguë de ma carcasse,
sa façon de rester sur les seuils, au bord de
l’incomplétude, de la dilution
trahit
son incapacité à se défaire de
cette hésitation
qui
l’enveloppe de cendres.
Vol de cendres tombées d’ailes de papillon,
poussière qui largue ses grains dans le soleil
somnambulisme du soleil et de ses grains
je cherche refuge en la gangue du sommeil
où ma régression bute sur de l’épaisseur,
sur d’improbables situations
hyper-réelles.
20/03/2008.
P.Laranco.
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PAGE BLANCHE.
Page blanche, je te salue. Ton vide est, en fait, un trou noir. Ton vide m’hypnotise, me happe. J’en admire la beauté neigeuse.
J’en admire la pureté. Qui, peu à peu, m’attire à elle.
Page de neige immaculée. D’apesanteur vierge, légère.
Je n’ose te souiller d’un mot. Je n’ose te scarifier de ma pointe bic.
Non, tu demeureras page blanche.
Puits insondable de douceur.
Appel. Enigmatique appel. Mystérieux appel de l’intact.
J’ai posé mon stylo. Je te fixe.
Tu as paralysé ma main.
Mes yeux caressent ta surface unie, lisse comme un Sahara.
Sahara de la page blanche. Où l’on finit par s’embourber. Par se perdre dans l’étendue, toujours égale à elle-même.
Page blanche. Désir court-circuité. Avidité de cratère vide.
Vertige. Chute en le vortex.
Page blanche. Apesanteur plumeuse. Poudroyante distanciation.
Cruelle force de marée. Etoile à neutrons qui se crispe.
Page. Statique explosion.
Délire gravitationnel.
Je te respecte. Au plus haut point.
Tu es miroir de mon vide interne.
Tu te préserves. Telle un bois. Telle un champ qui fuit vers le ciel.
Mon vide rencontre le tien. Un vide, qui étreint un autre vide. Le cocon du silence s’impose. Je renonce à ma fatuité.
Je renonce à tracer des signes, des signes qui se veulent si importants.
Qui ne font, toutefois, que glisser, comme de la pluie sur un plumage.
Ces signes n’ont rien à faire là. Page blanche, c’est toi qui compte. Tu as la force des matins, des aubes où recommence le monde.
Les signes, devant toi, battent en retraite.
Les voici avortés , morts-nés. Morts-nés.
Pour ne pas être engloutis.
Je t’aime. Telle que tu es. Que tu restes…
05/04/2008.
P.Laranco.
PATRICIA LARANCO
Née en 1955 à Bamako (Mali) d'un père français et d'une mère originaire de l'Ile Maurice,
Patricia Laranco a passé son enfance d’abord en Afrique Noire, puis sur le territoire français, dans les Charentes. Par la suite, son adolescence s’est déroulée dans le sud-ouest de la France, où elle a poursuivi des études supérieures d’histoire, avant de venir s'établir à Paris où elle réside depuis 1979., et où elle a exercé successivement
les professions d'animatrice et d'employée de bibliothèque. Elle a publié à ce jour six recueils de
poèmes et collaboré (en tant que poète, mais aussi en tant que critique littéraire et auteur d’articles) à de nombreuses revues littéraires (« Phréatique », « Diérèse », « Les Cahiers de Poésie », « LittéRéalité », « Jointure », « Inédit nouveau », « Les Cahiers du Sens »…) ainsi qu'à quelques anthologies. Elle est membre du P.E.N Club français.
Outre l’écriture poétique, Patricia Laranco s’adonne également à la photographie, au collage photographique et à la peinture. Elle a eu l’occasion de donner des conférences sur la poésie de l’Océan Indien et de faire des interventions d’animation poétique et d’éveil à la poésie en milieu scolaire, dans un collège parisien.
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