Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS n°11- Novembre 2008- Isabelle Jullian-

Publié par LE CAPITAL DES MOTS ( revue de poésie) sur 1 Octobre 2008, 23:03pm

Catégories : #poèmes

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L'AME DE LEA. (inédit)

 

 

 

 

 GENIES VERTS

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                         

Son fils

s'appelle : Youcef.

Il chasse les grenouilles

sur le canal

pour les transformer

en génies verts.

Les génie invoquent

les ancêtres

des déserts du Maroc.

Youcef invoque les génies

puis visite chaque maison

de briques  rouges

avec un cheval plus rapide

que la poussière

des grains de sable.

Arrache son innocence

aux épines des roses

de Marrakech.

Vogue sur les barques bleues

d'Essaouira .

S'étourdit du parfum

des souks

embaumés d'épices

et de doux présages.

Puis, le bateau rouge

le ramène sur le canal.

Les grenouilles

coassent.

S'éloignent

les génies verts.

Son fils

s'appelle : Youcef.

 

 

**

 

 

 

ATTENTE

 

Son enfant

est roi de l'univers.

Musiques,

couleurs embellies

par la lumière du passé

lui soufflent des intuitions

magiques.

Il compte les arbres

par la fenêtre ouverte,

lance des pierres

aux chats

pour les effrayer un peu.

Des pierres

à la lune,

pour faire des voeux.

Puis, court vers le fleuve

en quête du bateau rouge

dont sa mère

lui a compté mille fois

la légende.

Il attend l'arrivée

de tous les bateaux

sur le port.

Il ne sait pas

qui est son père.

Son père,

c'est l'arbre

dans le jardin.

Le vent de Mai.

La force du destin.

Il va venir

de nulle part.

Sur l'eau,

sur le bateau rouge.

Il va venir

un soir d'automne.

 

 

 

**

 

DESERT DE PLUIE

 

 

 

C'est un désert de pluies

et de mirages

où nul n'aurait jamais dû

faire halte.

Où la fenêtre de la route

ne laisse entrevoir l'ondée

que pour mieux assécher

les yeux et le coeur.

Pourtant,

c'est au bord du puits

qu'eut lieu la rencontre.

Celle de l'homme et de la femme

du renard des sables et du loup

de l'oiseau et de la vipère.

Puits

qui donne juste assez d'eau

pour ne pas reprendre la vie.

Profondeur

insondable,

blanche comme un tombeau.

C'est là qu'eut lieu le silence.

Celui de l'oiseau et de la vipère

du renard des sables et du loup

de l'homme et de la femme.

Celui de la femme surtout.

Le silence du puits et du désert,

celui de la femme.

Le silence de l'oiseau

étouffé par la vipère.

Celui de la femme.

Le silence du renard des sables

tué par le loup.

La mort de la femme.

 

 

**

 

CHANTS DE SABLE

 

 

 

Les chants de sable

rougissent l'horizon.

Peine inaudible

qui serre le coeur.

Mille étoiles filantes.

Lever du jour

qui chasse l'ennui.

Chants qui s'étirent

comme la vie,

le rire d'un enfant

les nuages dans un ciel

de feu,

l'amour immuable

de Léa pour Éliafé.

L'aube nouvelle

baptise l'amour.

Le transporte sur une colline

extatique

pour lui montrer

le domaine interdit.

Celui où il n'aura jamais accès.

L'amour pleure en silence,

se souvient des jours heureux.

Les chants inventent

de nouveaux jeux

pour le distraire.

Lui offrent

des pétales de roses

sur des mains ouvertes.

Amour

simple, immuable

comme le flamboiement

de l'horizon.

Amour

de sable et de feu,

chants enlacés

d'ultimes soupirs.

 

 

 

**

 

 

COUPS AU COEUR

 

 

 

 

Les coups au coeur

distillent les gestes

les plus simples.

Les pas dans l'escalier

la main qui coupe le pain

l'épaule qui heurte la fenêtre.

Et c'est pour toujours

épouser la souffrance.

Mieux lire entre les mots

les soubresauts de l'amour.

Ses victoires menues

mais assurées

sur un délire

toujours possible,

qui entraîne

les oiseaux de l'esprit

dans un champ de mines,

où leur beauté

peut s'entacher subitement

du sang des victimes

de tous les combats.

La rage des combats

ternit les cieux les plus purs

quand les soubresauts de l'amour

lui serrent le souffle ;

l'enterrent dans des paniers

de fleurs colorées et vaillantes.

La rage des combats

plie l'échine

devant la force des fleurs.

Leurs couleurs arrogantes

font pâlir le sang versé.

Des parfums célestes

dispersent les fumées de guerre.

Les coups au coeur

s'estompent

sous la douceur d'un nuage,

au printemps.

 

 

**

 

 

 

CHANTS

 

 

 

 

De son pays renaissent

des chants sibyllins.

 

Elle accompagne

le choeur des oiseaux

dans les squares.

Celui des enfants

aux fêtes de l'école.

Elle accompagne

sa mère

tard dans la nuit.

Quand elle s'échappe

le long du fleuve

pour lui parler

de son enfant,

de son amour perdu.

Elle chante

pour les fleurs

sur les marchés.

A voix menue,

pour ne pas effrayer

les clients.

Puis, à voix haute

dans son immeuble,

pour assurer aux voisins

qu'elle existe encore.

Elle chante en langue

Arabe

pour ne plus effleurer

la langue

du pays étranger.

 

 

ISABELLE JULLIAN

 

Isabelle Jullian est née en 1954. Elle a publié dans la revue « Florilège ». Elle est membre de l’association « La voix des mots » animée par Yves-Jacques Bouin.

 

 

 

 

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