Le silence d’ombre
(à Louise)
Dans la lumière de l’évidence et de la réalité du cerveau,
au point où le monde devient sonore et résistant, en nous.
Antonin Artaud. Textes de la période surréaliste.
La méditante, praticienne patentée de la langue interne, arpente par assiduité d’obstinée les abruptes du fracas intérieur. L’écoutante, elle, se livre à l’essartage méticuleux de toute fulminance sonore. Atteindre le silence d’ombre requiert de dissocier le concept de son vacarme puis de l’établir, probation sans mots, aux extrêmes purulents. Ce qui importe plus que tout est alors de vérifier.
Aux complies insécables
Prévoir se désapprendra
L’apparent tonitruant a force d’irraison
La scansion ne console plus l’inapaisée
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Contre l’élan d’être le psaume n’a pas à réassurer
A l’avers une autre présence que celle de l’irrécusé
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En œuvrante quotidienneté
Le silence n’est plus de sentence
Aux matines stancées
Toute angoisse est assertive
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Contre l’abjurant horizon
Le cloître a profusément osé
Avec ou sans le doute
Un pas dans un ancien pas
L’usure de la dalle croisière
Pour preuve de la laudique allégeance
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Au récitatif remettant aucune lèvre n’osera l’écart
Les mains de nouveau légitimées
apprivoiseront la courbe incantatoire
La voix ne sera audible qu’impersonnelle
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La repliée agenouillée dans l’opaque absidiole
parcourt en déviance un improbable mutique
Admettre le perforant ondique
jusqu’aux franges du désincarné
Contre la croyance tellurienne
l’éthéré sera sans confort
En-deçà du chiffre sept
point de complexité probante
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Une écoute en amont de toute séquelle
par omission du corps et de ses stries
Chaque pas accompli de ce côté
sera un pas hors de la faille franche
Oser la traversée avec la certitude du non-retour
Pénétrer jusque là n’est pas sans risque ontique
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Point d’ange caudataire sous le vitrail affilié
L’indication médullaire est hors d’attente
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L’oratoire n’est pas un lieu
Jusqu’à lui se retirer
au plus divisible de soi
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La novice se leurre au conviant unisson
Se simplifier n’abolira pas toutes les peurs
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Par la supplication épiphanique
explorer l’inaudible questionnant
En défiance de tout enseignement
l’indélivrée appartient à l’atonale prière
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La sérielle répétition n’assouvit pas
S’acquitter n’est pas de ce monde
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Pour rappel du périlleux sonore
Sur l’épiphane autel
un bouquet de cirses battues
Dans les travées du non-être
l’euphonique facilité est à demeure
Abjurer peut rétablir l’origine
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Redevenir l’assoiffée
d’un matin vertical
La fleur des failles infimes
alentira le pas de l’emballée
Le sedum acre n’osera aucun son
Admettre de l’obstinant
la constance hilarée
Poivre des murailles
est son nom de bataille
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Préserver ou abimer
L’arc victimaire dispose
de ses propres outrances
De l’éclat quartzique ne recherchera que le coupant
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La quérulente quête s’alimente à elle-même
Dans l’arc algique
toute parole est scarificatrice
Le besoin de supplice devient le supplice
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En parcimonieuse contenance de la révocable lucidité
A trop présumer de l’aurorique destinée
la courbe attente se reniera
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Le seul élan de soi vers soi
ne fait pas la trace gnomonique
Tout cadran abusivement hybridé
sera dessaisi du silence d’ombre
Claude Hattingues
(Extrait des Dévorants… à paraître)
Ma trajectoire est parcourue sur sa plus grande longueur. La poésie fut et est pour moi une sérieuse affaire et pas seulement de mots. Cette persévérance s’assouvissait à elle-même. Lui donner visibilité ne s’imposait pas jusqu’à cette prise de conscience de la vie brève. Une brièveté qui ne concerne pas que ma seule personne mais semble-t-il notre humanité tout autant dont après tout nous n’avons pas à être tellement fier.
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