L'œillet rouge de Marie
Ô l'orgueil d'être l'aimée!
L'ode outrée, l'aigre miel,
le lied morte-eau... Rigole !
Relègue l'émoi idolâtre,
l'étoile, l'ordure imagée.
Émigre, raille, doute. Ô, le
réel mou! l'idiote galère!
Guérie de l'œil moral et
déligotée - limer l'auréo-
le. Allègre, étourdie: moi,
l'ortie de Rome, aguillée.
***
Duel
Ta page commune et bavarde
comme un barde va et tapage.
noirci sous l’encre des ratures
tu l’envoies
en noir encore ô ci dessous
rares voies
Débordement de la rivière
rire de dément borde la vie
Métal plié de la mémoire
Conque qui détonne
Et donne quiconque
L'a mal déplié: mère et moi.
***
A fille perdue, faille du père
Près du torrent que des pertuis torturent
se risque le revenant désolé.
O, dualité mâle : alité tu ris, pressé tu péris
Le lit où je joue en rêvant soude ma solitude.
***
Grèce
Marbre fécond
j'esquive la pose esthète
dague, plomb, javelot fanent les colchiques.
Rival du maquis – captif chagrin,
un bijou orphique.
J'admire vigne et figues,
la nue bleue jusqu'à l'indigo,
un pli blanchi du flot m'ont ravie.
***
Tryptique
Blanc Noir Rouge
Griffant les poumons quai de Javel, le chlore
qui objectiva ma page en sa franche nudité.
Je brode un chemin logique, vérifie une piste
depuis la colombe – vol fragile – jusqu'au thème
emblématique du fjord en hiver, pays de neige.
Ombres déjà, que la bougie parfait, achève.
Menu fétiche de jais, ta page qui vibre
jumelle charbon avec glas. Par quel défunt
plomb du fond gothique, suis-je captivée ?
Golfe de coquelicots, le champ bat enjolivé
et je vis du sang qui me chauffe, ni bleu ni pur.
Hormis le coq, jacobin de faîtage pavoisant
nos fastes, j'aime le drapeau bolchévique
j'ai soif du vin obscur, d'un Mohican qui glapit.
ANNIE HUPÉ
Bibliographie : 1 poème dans A-Verse n°7, 1 dans Soleils et cendres n°104.