La fuite abstraite du temps est cette roue à aubes qui, du fond de
la mémoire de Fernando Pessoa, égraine sans fin la petite pluie
lancinante d’un piano enfoui depuis l’enfance, dont les notes ne
veulent pas s’effacer.
Ainsi des images plantées vives dans les replis profonds de ma
mémoire, tel un diaporama qui tourne en boucles obsédantes,
sans que la furia de vivre au présent ne l’arrête ni même n’en
ralentisse la marche.
Quelle force obscure agit sur ma volonté, défroisse les visages
aimés, redessine les vallons de mon enfance et souffle en même
temps son présage mortel ?
Notes : fragments d’os.
Écrire : dessiner une pensée.
Les mots disent ce qu’ils disent … et autre chose.
Les morts n’ont plus à mourir, la mort n’est plus leur
affaire. C’est leur supériorité sur les vivants.
Écrire un poème qui se perde comme une embarcation
en mer.
Gloire du crépuscule, le soleil couronne l'horizon,
la vie déborde : le présent est une rivière en crue.
La mort d’avant, la mort d’après, et la vie, au beau milieu,
brûlante, indéchiffrable.
Dans une vie après la mort, on retrouverait ceux qui croient en
Dieu et ceux qui n’y croient pas.
Il faut s’arrêter de bouger pour penser.
On s’active au nid, rivés à la feuille de route pour ne pas voir
l’horizon abrupt ni entendre le silence des dieux.
À vendre, urgent : solitude sans fond avec vue imprenable sur
le néant.
Si espérer est ajourner, dés-espérer c’est alors cesser de s’en
remettre à plus tard.
JACQUES ROLLAND
Jacques ROLLAND vit à Villeurbanne près de Lyon. De nombreux poèmes ont été publiés sous son nom ces dernières années dans diverses revues (papier, en ligne) : Francopolis, Ecrits…Vains, Pleutil, La page Blanche, Comme en Poésie, Les Cahiers de Poésie, Le Capital des Mots… et anthologies : « Poètes face à la vie » ( Éditions de l’Athanor) «Du Souffle sous la Plume » n°2, n°3, n°5, n°7 ("Les Joueurs d'Astres" Éditions), « Visages de Poésie » (Jacques Basse - Anthologie n°5 - ÉditionsRafael de Surtis)…